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YYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYY TALLEMANT DES RÉAUX ET L’ESTHÉTIQUE DE LA NÉGLIGENCE PHILLIP J. WOLFE LA critique n’a guère examiné de près la question de l’esthétique qui a gouverné la composition des Historiettes de Tallemant des Réaux. Pourtant , il s’agit d’un texte qui est capital pour notre connaissance du dixsepti ème siècle et qui date de la fin de la période dite baroque, dont la connaissance a été renouvelée par la publication et la traduction du livre de Wilfried Floeck sur l’Esthétique de la Diversité. En plus, les conditions toutes spéciales qui ont gouverné la composition des Historiettes permettent de voir le premier éditeur, Monmerqué, aux prises avec un texte du dix-septième siècle dont il va finalement donner une version déformée. Tallemant lui-même n’a jamais envisagé la publication de son recueil, qui ne parut que cent quarante-deux ans après sa mort. Pour lui, donc, nulle toilette à faire au texte avant de le confier à un libraire, nulle crainte de l’écueil de la publication, nulle inquiétude de plaire à un lecteur inconnu. Dans sa préface, courte mais révélatrice, il affirme n’écrire que pour ses amis « qui m’en pressent depuis longtemps » (Adam 1: 1). Si des amis tels que Maucroix, Patru, ou La Fontaine pressaient depuis longtemps des Réaux de mettre par écrit ses souvenirs, c’est qu’il avait, selon Maucroix, la réputation de parler « en bons termes, et facilement , et aussi bien qu’homme en France » (Magne 367). Tallemant proclame l’originalité de son entreprise en affirmant qu’il va dire la vérité sans se référer à « ce qu’on trouve dans les histoires et les mémoires imprimés » (Adam 1: 2), ce qui est d’ailleurs une légère exagération. Dans les Historiettes, la lecture d’une anecdote inédite ou d’un bon mot inconnu doit donc provoquer la surprise, l’étonnement et l’amusement, émotions baroques par excellence. Bien qu’on ne signale aucune lecture YYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYY 97 du manuscrit des Historiettes au dix-septième siècle, les amis qui avaient pu en prendre connaissance devaient moins chercher la précision grammaticale et la perfection stylistique que « cet esprit un peu malin, qui est celui qui plaît le plus » (Adam 2: 287), selon une expression que Tallemant applique à Mme Cornuel et qui vaut également pour lui. Tallemant des Réaux, fils d’un banquier protestant, n’a pas envers le métier d’auteur l’attitude dédaigneuse d’un grand aristocrate, pour qui écrire serait une facon de déroger. Dans sa préface, Tallemant renvoie, au contraire, à des mémoires qu’il compte écrire sur l’histoire de la Régence, mais que les circonstances l’empêcheront d’entreprendre. Tallemant , qui s’était auparavant fait une réputation comme poète de salon par sa contribution à la Guirlande de Julie et par quelques autres pièces, signale donc son intention de se consacrer à l’écriture de l’histoire et de ne faire les Historiettes que par jeu, à la prière de ses amis. Distinguant clairement l’entreprise du conteur de celle de l’historien, il affirme que les Historiettes ne sont « que petits mémoires qui n’ont aucune liaison les uns avec les autres » (Adam 1: 1) et que s’il va suivre « en quelque sorte » la chronologie, ce sera seulement pour éviter les confusions. Ce dessein d’écrire agréablement et librement reflète bien sûr les attitudes de l’Hôtel de Rambouillet envers la littérature, notamment celles de Vincent Voiture, sans doute l’écrivain qui a le plus influencé Tallemant. Le hasard a voulu, cependant, que le premier éditeur de Tallemant, Louis Jean Nicolas Monmerqué (1780-1860), fût avant tout un éditeur de mémoires historiques. Lorsque parut la première édition des Historiettes en 1834, Monmerqué et son collaborateur Petitot venaient d’éditer la Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, deuxième série : Depuis l’avènement de Henri IV jusqu’à la...

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