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Reviewed by:
  • L'Affaire de l'esclave Furcy
  • Valérie Magdelaine-Andrianjafitrimo
Aïssaoui, Mohammed . L'Affaire de l'esclave Furcy. Paris: Gallimard, 2010. ISBN 9782070128679. 197 p.

L'ouvrage de Mohammed Aïssaoui, L'Affaire de l'esclave Furcy (2010) pose avant tout la question du genre auquel il appartient. Comme le titre l'indique, c'est d'abord d'une affaire juridique qu'il s'agit. Le texte porte la mention générique de "récit" mais a remporté le prix Renaudot de l'essai en 2010 avant d'obtenir le prix RFO du livre le 25 novembre 2010. Il n'est donc pas plus question de roman [End Page 278] que de document historique et l'auteur, qui travaille au Figaro littéraire, y insiste: "je ne suis pas historien et je sais que ma démarche est contraire à toute recherche historique" (183). Comme il le rapporte aussi bien dans le texte même que dans les nombreux entretiens qu'il a accordés depuis que son livre connaît un vif succès, il a "eu le sentiment irrationnel que c'était [Furcy] qui [l']avait appelé pour le tirer du silence" (187). Il revient plusieurs fois sur la généalogie du texte pour rappeler ce qui lui apparaît comme une coïncidence qui a bouleversé sa vie. Il a en effet découvert tout à fait par hasard l'existence de l'esclave Furcy et des documents s'y rapportant, à une vente aux enchères à l'hôtel Drouot. Il a été sidéré par l'indifférence dans laquelle était tenue une affaire qui pourtant constitue un fait rare dans l'histoire: une procédure longue de vingt-sept ans intentée par un esclave à son maître pour faire valoir ses droits à la liberté, procédure conclue cinq ans avant l'abolition de 1848 par la victoire de l'esclave (183). Il travaille alors sur ces documents, dossiers, lettres, comptes rendus d'audience, qu'il assortit d'enquêtes à La Réunion et dans différents centres d'archives qu'il mentionne en annexes.

Évoquant la difficulté de sa tâche, il met son opiniâtreté et son obstination en relation avec celles de Furcy lui-même qui n'a jamais renoncé à faire valoir ses droits, ou avec ses défenseurs, qui ont passé leur vie à enrichir le dossier de pièces précieusement recopiées et consignées (152). Pourtant, il le rappelle, "malgré un dossier volumineux et des années de procédures, on ne sait presque rien de Furcy, il n'a laissé aucune trace, ou si peu," (quatrième de couverture) et c'est ce qui a suscité chez lui "le désir, fort impérieux" de le redécouvrir et de lui restituer une voix. La question du silence qui fut pour Furcy "sa force et sa chaîne" (189) est certainement le leitmotiv aussi bien de l'affaire elle-même, que des intermittences du savoir et de l'histoire qui ont accompagné la quasi-disparition du dossier. Il s'interroge ainsi à de nombreuses reprises sur l'oubli dans laquelle l'affaire est tombée, sur le fait que le dossier "héroïque" du procureur Boucher n'ait jamais été transmis par sa famille (147). Il laisse toutefois, délibérément ou non, de côté le fait que le procès ait tout de même donné lieu à des actions artistiques à La Réunion comme l'installation-performance "Liberté plastiK" aux musées Léon Dierx, Villèle et Stella Matutina entre 1998 et 1999. Il est hanté par l'absence de renseignements sur la personne même de Furcy, qu'il ne lui reste plus qu'à imaginer s'il veut vraiment le retrouver et il clôt son ouvrage par ces mots: "Et Furcy, où sont ses descendants? Aujourd'hui, encore, après quatre années d'enquête, je suis incapable de savoir quand et où il est mort. Je n'ai pas même son nom" (190).

Outre la façon dont ce dossier s'est présenté à lui, c'est aussi l'étroite relation, émotionnelle autant qu...

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