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Reviewed by:
  • 14–18. Retours d’expériences
  • Alexandre Lafon
Christophe PROCHASSON. - 14–18. Retours d’expériences, Paris, Tallandier, 2008, 431 p., « Texto ».

Christophe Prochasson à travers ce volume d’articles, antérieurement publiés dans divers livres et revues, les chapitres IV et l’épilogue étant seuls inédits, revient sur ce qui fait le cœur de l’historiographie française aujourd’hui, à savoir les questions posées par le témoignage et son utilisation dans l’économie de « vérité » appliquée ici à la guerre. Onze chapitres se distribuent en trois parties : la première consacrée à la manière dont la Grande Guerre est perçue, présentée, travaillée, conceptualisée aujourd’hui, notamment par les historiens, devenus les gardiens de la « vérité » sur un événement orphelin de ses acteurs. La deuxième partie s’inscrit pleinement dans les réflexions portant sur les témoignages. L’auteur y appelle à un renversement nécessaire de perception des témoignages, afin de progresser sur le terrain de la compréhension des récits et des expériences des soldats. Enfin, la troisième partie, où voisinent étude d’ensemble et études particulières, revient sur les expériences d’intellectuels dans la guerre. La cohérence de l’ensemble repose finalement sur le regard que nous portons aujourd’hui sur ce conflit, sur les « liens qui unissent nos contemporains à ce passé tragique ». En ce sens, tout en apportant des analyses neuves, C. Prochasson présente, discute, argumente, bref, travaille les termes de la controverse soulevée par l’irruption des notions de culture de guerre et de consentement dans le champ des études sur la Grande Guerre. Il faut en cela reconnaître à l’auteur d’être le premier à apporter sérieusement des bases de réflexion approfondie, et discuter les arguments qui ont pu être opposés à ce type d’interprétation 9. C’est, me semble-t-il, là que réside l’intérêt majeur de l’ouvrage. Insistons maintenant sur quelques points particulièrement saillants. [End Page 110]

Le premier chapitre, extrait de son livre publié en 2008, L’Empire des émotions. Les historiens dans la mêlée, Christophe Prochasson tente de se placer justement au-dessus de cette mêlée. La « violence du débat » entre historiens du premier conflit mondial en France aujourd’hui étonne l’auteur qui s’inscrit pourtant dans la polémique alors même que certains des historiens dénigrés dans son propos se sont employés depuis des années à discuter leur propre point de vue, à toujours privilégier le travail de fond à partir de documents présentés, critiqués, comparés.

Sur le même registre, comment interpréter les charges pesant contre les « bons » témoignages proposés comme tels par Jean Norton Cru, dont la méthode est stigmatisée au motif que Témoins 10 a été revendiqué comme modèle à suivre par Rassinier et la mouvance négationniste ? Curieuse démarche pour un historien que celle de s’appuyer sur les usages ultérieurs d’une œuvre pour en décrier le contenu. Relire l’histoire en en connaissant la fin est un travers courant de l’histoire politique, et l’auteur n’est évidemment pas le premier à faire preuve d’anachronisme, mais il pose en la matière des questions très délicates : devrait-on rejeter le travail de C. Prochasson s’il faisait un jour l’objet d’usages peu recommandables ? Et la démarche est d’autant plus problématique que l’auteur relève fort heureusement de très importantes divergences entre le travail de Jean Norton Cru (sensible à la bonne foi des témoins) et la posture de Paul Rassinier, puisque celui-ci n’a simplement jamais entrepris le travail bibliographique minutieux du premier, fondé sur la mise en œuvre de critères de jugement aussi objectifs que toujours discutables. Trop vite rapproché de ce courant, Jean Norton Cru ne peut en rien être comptable de l’utilisation postérieure de ses écrits, déformés, pour une cause qu’il n’a pas défendue...

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