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Reviewed by:
  • Empires et colonies. L’Allemagne, du Saint-Empire au deuil postcolonial
  • Alain Messaoudi
Christine de GÉMEAUX (sous la direction de). - Empires et colonies. L’Allemagne, du Saint-Empire au deuil postcolonial, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise Pascal, 2010, 345 p. « Politiques et identités ».

Issu d’un colloque suscité par une question au programme de l’agrégation d’allemand de 2007, cet ouvrage collectif, consacré à l’histoire coloniale allemande, traite de questions peu abordées dans l’historiographie française. Il discute l’hypothèse d’une singularité, d’un Sonderweg, qui différencierait fondamentalement l’Allemagne des autres puissances coloniales – indépendamment de la brièveté (1884–1914) d’un empire tardivement constitué, auquel la Première Guerre mondiale met tôt fin. L’existence du Saint Empire romain, dont l’abolition définitive n’intervient qu’en 1806, et la longue expérience de colonisation allemande en direction de l’Europe orientale, du XIIe jusqu’au XIXe siècle, sont-elles à l’origine d’une culture impériale [End Page 99] et coloniale particulière ? Peut-on établir un lien entre les violences des conquêtes coloniales et celles du Troisième Reich ?

Les contributions, de qualité très inégale, rassemblées par Christine de Gemeaux, permettent d’apporter quelques éléments de réponse, parfois discordants, à ces questions, en même temps qu’elles donnent accès à des références bibliographiques utiles. Après une synthèse stimulante et claire où le médiéviste Jean-Pierre Fray rappelle comment l’idée impériale s’est trouvée germanisée dans la seconde moitié du XVe siècle, référence qui permet après 1870 de refondre l’idée nationale allemande sous la forme d’un empire moderne, Gwénola Sebaux décrit utilement les différentes phases de la colonisation, de l’Ostsiedlung, aux XIIe et XIIIe siècles en Transylvanie et au sud de la Baltique (le Drang nach Osten des chevaliers teutoniques serait exceptionnel par sa violence), puis à partir du XVIIe siècle l’annexion des anciens territoires ottomans, dans le cadre des politiques de peuplement des empires autrichien et russe.

Deux contributions permettent de mieux comprendre les enjeux politiques et diplomatiques du développement de l’empire colonial moderne allemand entre 1884 et 1914. Patrice Neau revient sur les facteurs conjoncturels de politique intérieure ou extérieure qui ont poussé le junker Bismarck, peu disposé à entraîner le pays vers une politique d’expansion coloniale, à jeter cependant les bases d’un empire outremer, en soutenant en 1884 le développement des sociétés de navigation allemandes en Asie et l’investissement sous forme d’implantations ponctuelles. À propos de la question marocaine, enjeu central pour les diplomaties européennes entre 1890 et 1905, Hermann Harder rappelle les ambiguïtés de la position allemande. Alors qu’une partie de l’opinion publique et le ministre des Affaires étrangères von Bülow sont favorables à une implantation territoriale au Maroc, l’empereur Guillaume II y est fondamentalement hostile, estimant suffisant de garantir aux industriels et aux négociants allemands l’ouverture du pays en évitant toute implantation qui serait épuisante tant militairement que financièrement.

En s’inscrivant dans une perspective plus large d’histoire culturelle, Uwe Puschner interroge les rapports de la mouvance nationale-allemande völkisch avec la politique d’expansion coloniale. Raciste et antisémite (elle polémique contre la Deutsche Kolonialgesellschaft et s’élève contre la nomination du nouveau chef de l’Office colonial impérial, Bernhard Dernburg, en rappelant ses origines juives), l’importante revue Hammer, fondée en 1902 à Leipzig par l’éditeur Theodor Fritsch, ne réserve que peu d’espace à la thématique coloniale : plutôt qu’une expansion outre-mer susceptible de menacer l’intégrité de la race allemande, elle préfère appeler à une affirmation de la germanité du sang et de la terre en Europe orientale. Réciproquement, l’analyse par Catherine Repussard du contenu d’une revue pour la jeunesse publiée, à partir de 1924, par la Koloniale Reichsarbeitsgemeinschaft (Korag), montre que c’est...

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