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  • Hybrides et monstres : transgressions et promesses des cultures contemporaines
  • Teo Sanz
Lucile Desblache, dir. Hybrides et monstres : transgressions et promesses des cultures contemporaines. Dijon: Éditions universitaires de Dijon, 2012.

Proposant comme sujet les hybrides et les monstres, Lucile Desblache, plus qu’une galerie de la production fictionnelle du genre fantastique, a recueilli un volume dont les sujets d’observations sont particulièrement pertinents pour l’étude des cultures contemporaines, que ce soit d’un point de vue éthique, esthétique ou ontologique. Les auteurs, utilisant des outils critiques et des méthodologies diversifiées, permettent de découvrir (plus que d’« attribuer ») un sens qui révèle l’aspect profondément inquiétant de ces entités croisées ou singulières. Armés d’approches théoriques qui vont de la philosophie deleuzienne aux figures de la rhétorique de Gérard Genette en passant par la psychanalyse lacanienne et les gender theories, entre autres, les collaborateurs de ce volume concordent dans leurs diagnostics : les monstres et les hybrides contemporains ne sont ni de simples objets de divertissement, ni des métaphores qui renverraient systématiquement à des référents connus.

Le livre est composé de quatre parties. La première porte sur la littérature française des avant-guerres. Anne Simon s’y intéresse à la fictionnalisation proustienne de la théorie de [End Page 118] Darwin, analysant les procédés par lesquels l’écrivain introduit l’ironie mais nourrit aussi un imaginaire du passé de l’humanité. Alain Romestaing part de la constatation d’une attitude ambigüe de Jean Giono par rapport à la nature : s’il exprime l’attirance que celle-ci exerce sur Giono, il n’en insiste pas moins par ailleurs sur sa peur d’une dissolution possible dans le grand tout. Bruno Sibona centre son texte sur l’énergie créatrice d’art engendrée par les monstres de Giono. Cette partie se clôt sur un auteur rarement étudié, Alexandre Vialatte, dont Alain Schaffner évoque le monstrueux hybride.

La seconde partie du livre est centrée sur la posthumanité et « l’humanimalité » dans la littérature contemporaine. Llewellyn Brown montre à quel point l’esthétique de l’hybride chez Henri Michaux exprime la scission fondamentale de tout sujet humain. Katrien Lievois souligne la proximité entre la satire et l’hybridité par l’analyse de quelques « autobiographies canines ». Se penchant sur des romans de Margaret Atwood et Antoine Volodine, Jean-Paul Engélibert remarque que l’hybride dévoile surtout la crainte d’une époque où même la survie de l’espèce humaine n’est plus assurée. La mise en garde contre la totale réussite de la domination technologique sur les animaux prend la forme de monstres subsistant après la catastrophe de la fin du monde connu. De son côté, Anne-Claire Paillissé présente la mère monstrueuse et comique du théâtre contemporain espagnol comme révélatrice d’une profonde fracture entre les grandes figures tragiques de la culture occidentale et la postmodernité ludique. Enfin, Katherine St Ours rapproche devenir-animal chez Deleuze et devenir-littéraire en prenant l’exemple de Jean-Loup Trassard.

La troisième partie du livre aborde les utopies et dystopies hybrides suggérées par les progrès des sciences et des technologies. Comme le démontre Sandrine Schiano-Bennis, la théorie darwinienne a été une importante source de prolifération d’hybrides au tournant de 1900. Charles-Éric Adam étudie le rapport entre l’avenir de l’ontologie humaine et le roman de sciencefiction à partir du cas d’Oscar Pistorius, véritable cyborg sportif. Dans le système thermoindustriel actuel, ce progrès scientifique n’est pas sans soulever de nouvelles questions de bioéthique. Jusqu’où peut-on modifier les organismes pour améliorer leurs performances ? Elaine Després analyse le traitement que Margaret Atwood fait des Organismes Génétiquement Modifiés dans son roman Oryx and Crake, tandis qu’Alicia H. Puleo met en rapport hybridité et nominalisme, en soulignant les progrès de la liberté individuelle dans les sociétés modernes mais aussi les servitudes et...

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