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  • Paris dernier voyage. Histoire des pompes funèbres de Paris (XIXe–XXe siècles)
  • Emmanuel Belanger
Bruno Bertherat et Christian Chevandier, Paris dernier voyage. Histoire des pompes funèbres de Paris (XIX e –XX e siècles). Paris, La Découverte, 2008, 197 p. Préface de Bertrand DELANOË. Postface de Pascal ORY.

Paris dernier voyage rend hommage à une institution parisienne, « le 104 », une « cathédrale industrielle » élevée rue d’Aubervilliers dans les années 1870 pour accueillir le service des pompes funèbres de la capitale, un établissement unique en son genre par sa vocation et ses dimensions monumentales. Cent trente ans plus tard, cette « usine du deuil » n’est plus. Sous la mandature du maire de Paris Bertrand Delanoë, elle a été transformée en centre d’animation et de célébration culturelle. Cette requalification urbaine est un « acte politique » de réhabilitation du quartier de La Villette de l’ancienne « petite banlieue » annexée à Paris en 1860.

Dans l’imaginaire collectif, ce quartier désuni par les percées ferroviaires et les canaux a longtemps été associé aux nuisances des industries polluantes et des abattoirs, « l’enfer des bêtes », fermés en 1974. La vision misérabiliste et caricaturale des territoires populaires a stigmatisé cet espace parisien. Bruno Bertherat et Christian Chevandier, les deux auteurs, respectivement spécialiste de l’histoire de la morgue et de l’histoire du travail, montrent la prégnance de cette représentation. Ils citent Patrick Pécherot qui en 2007, dans Belleville-Barcelone, exhumait les odeurs et les bruits de ce XIXe arrondissement décrié : « La rue d’Aubervilliers, elle, respirait la mort depuis les pompes funèbres […] jusqu’aux abattoirs de La Villette, en passant par les gazomètres de la rue de l’Èvangile. Un coin de tout ce qu’il y a de pourri avec le silence des cimetières d’un côté et de l’autre le hurlement des trains quand ils franchissaient le passage à niveau. » En 2008, le 104 ne respire pourtant plus la mort. Il doit sa reconversion à la politique de sauvegarde du patrimoine industriel. Pascal Ory, le préfacier du livre, décrit avec des mots très justes cet établissement disparu comme un lieu de travail, un lieu de mise à distance et de théâtralisation de la mort, un lieu de civilisation de l’angoisse des vivants « où se préparent les rites et les apparats du Grand Passage ». [End Page 177]

Cet ouvrage offre plusieurs lectures politiques, urbaines, sociales et économiques de l’histoire de la mort. Il ne se limite pas à l’étude des politiques funéraires parisiennes et des cérémonies du « Grand Passage ». Sa restitution est plus ambitieuse. Paris dernier voyage est une contribution à l’histoire de la capitale et de ses arrondissements populaires. Ses auteurs dressent le cadre de la vie urbaine, économique et sociale de La Villette et montrent en image sa sociabilité conviviale et festive. Ils décrivent les progrès de l’hygiène, la diminution de la mortalité et l’amélioration des conditions d’existence qui rejaillissent sur l’espérance de vie. Ils rappellent que les pages révolutionnaires du XIXe siècle et les grandes manifestations parisiennes du XXe, qui glorifient le passé rebelle de la capitale, ont aussi été marquées par de violentes répressions avec leurs cortèges de morts ensevelis.

Dans la lignée des travaux de références de Philippe Ariès, Pierre Chaunu et Michel Vovelle, Bruno Bertherat et Christian Chevandier s’attachent à mettre en perspective la mort parisienne, du cimetière à la pompe funèbre, du cérémonial à l’organisation plus terre à terre de l’activité funéraire, des trépassés anonymes aux personnalités publiques et aux héros politiques morts au combat. Les quatre-vingts funérailles d’Ètat sous la IIIe République, « les policiers victimes du devoir », les victimes du 17 octobre 1961, celles du métro Charonne quelques mois plus tard, les obsèques de Pierre Overney en 1972 ou de Jean-Paul Sartre en 1980 sont mises en exergue. De grands...

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