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LA QUESTION DE LlNFLUENCE DE BERGSON SUR PROUST Joyce N. Megay Depuis 1913, date de la parution du premier volume de A fa Recherche du Temps Perdu, certains critiques Uttéraires ne cessent de rapprocher l'oeuvre de Proust de celle du philosophe Henri Bergson. Or nous nous proposons, dans notre exposé, de souligner les différences fondamentales qui séparent les deux oeuvres. Notre analyse portera sur les conceptions différentes de Bergson et de Proust en ce qui concerne le Temps, la Mémoire et le Réel. Il existe bien quelques passages dans l'oeuvre de Proust qui distinguent, comme l'a fait Bergson, le temps mesurable—celui de l'horloge, et le temps psychologique—la durée. Le premier est le temps de la vie sociale, de la science; le second est coloré par nos états d'âme et nos impressions. Dans les Chroniques, nous trouvons le passage suivant, qui sera en partie repris dans Du Côté de chez Suxmn: Les romanciers sont des sots, qui comptent par jours et par années. Les jours sont peut-être égaux pour une horloge, mais pas pour un homme. Il y a des jours montueux et malaisés qu'on met un temps infini à gravir et des jours en pente qui se laissent descendre à fond de train, en chantant. Pour parcourir les jours, les natures un peu nerveuses surtout disposent, comme les voitures automobiles, de 'vitesses' différentes.1 Proust distingue donc bien deux temps, mais le temps psychologique tel qu'il le décrit est loin de comporter tous les aspects de la durée réelle de Bergson. La durée bergsonienne est une continuité indivisible, un changement toujours adhérant á lui-même, une evolution créatrice qui est absolument irréversible. Dans Sodome et Gomorrhe, Proust reprend l'idée des deux temps différents, mais cette fois-ci il oppose le temps de l'horloge à celui du sommeil. Or cet "autre temps", le temps du sommeil, aboutit plutôt à l'idée de l'intemporel. Décrivant son réveil après un sommeil qui 'Temmenait si loin hors du monde habité par le souvenir et Ia pensée," le narrateur constate qu'on peut prétendre qu'il n'y a qu'un temps, pour la futile raison que c'est en regardant la pendule qu'on a constaté n'être qu'un quart d'heure ce qu'on avait cru une journée. Mais un moment où on le constate, an est justement un homme éveillé, plongé dans le temps des hommes éveillés, on a déserté l'autre temps. Peut-être même plus qu'un autre temps: une autre vie. Les plaisirs qu'an a dans le sommeil, an ne les fait pas figurer dans le compte des plaisirs éprouvés au cours de l'existence. Le narrateur se demande s'il est possible même de parler de deux temps différents; "non que celui de l'homme éveillé soit valable le dormeur, mais 1MaTCeI Proust, Chroniques, 36e éd. (Paris, 1927), p. 106. 53 54RMMLA BulletinJune 1973 peut-être parce que l'autre vie, celle où on dort, n'est pas—dans sa partie profonde—soumise à la catégorie du temps."2 Est-il besoin de soidigner que le temps du sommeil n'est pas la durée concrète de Bergson? Nous aurons à reparler de la notion proustienne de l'intemporel lorsque nous aborderons la question de la mémoire involontaire, mais disons tout de suite que l'intemporel est tout ce qu'il y a de plus éloigné de la philosophie bergsonienne. Pour Bergson il s'agit, en effet, non de s'échapper hors du temps, mais au contraire de s'enfoncer plus profondément dans le temps non spatialisé, c'est à dire dans la durée réelle. Un troisième texte de Proust va nous mtroduire d'emblée au coeur du problème, Dans le Temps Retrouvé Marcel, qui venait d'être présenté à Mlle de Saint-Loup au cours de la matinée chez la princesse de Guermantes, retrouve le riche réseau de ses souvenirs et les lieux diff...

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