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DU TAOÏSME CHEZ SIMONE WEIL Lm-Yi C. Wu Malgré l'hétérogénéité des sources de la pensée de Simone Weil et la controverse dont s'entoure sa réputation, les critiques de son oeuvre et les amis qui l'ont connue de près pendant la courte durée de sa vie sont d'accord au moins sur un point. Le qualificatif le plus incontesté à appliquer à ce génie de femme, agrégée et professeur de philosophie, révolutionnaire d'extrême gauche, anarchiste, syndicaliste, métaphysicienne, théologienne, ouvrière d'usine et fille de ferme, c'est le mot "mystique". Il est bien probable que c'est à son mysticisme même qu'est due, dans une certaine mesure, la renommée de Simone Weil. Pourtant, il ne faut pas le considérer comme une simple conception du culte de l'inintelUgible, comme un jeu d'idées et de mots dans le royaume de l'irrationnel, comme ce "glamour" de l'esprit qui, suivant M. Tomlin, a toujours joui d'une certaine popularité. L'apparence mystique de la plupart des ouvrages de Simone Weil, comme La Pesanteur et la grâce sur lequel nous allons concentrer notre étude, est le résultat de son intérêt pour les philosophies de l'Orient, dont le taoïsme, le boudhisme et l'hindouisme, de sa poursuite inlassable de l'absolu, et de son désir de percer à travers des phénomènes souvent incompréhensibles pour atteindre le tréfonds, l'ultime signification invisible de la réalité visible. Les abondants aphorismes qui caractérisent ses écrits philosophiques, surtout leur aspect paradoxal, contribuent également à donner au lecteur une impression de mysticisme. Puisqu'il s'agit du mysticisme, même du mysticisme chrétien, il ne faut pas s'étonner si nous lions, escamotant la distance de vingt-cinq siècles et de presque deux continents, le nom de Simone Weil à celui de Lao Tseu et de Chuang Tseu, sages taoïstes de l'antiquité chinoise.1 En effet, il y a beaucoup plus de parallèles entre Ia pensée de Simone Weil et celle des taoïstes. Le mysticisme n'en est qu'une des caractéristiques communes. Elles partagent une forte ressemblance à la dialectique hégélienne. Toutes les deux recherchent l'absolu avec obstination. Mais leur parenté foncière réside en une nette tendance spirituelle à imiter Ia nature (Dieu, le Tao). Cette 1RiCn n'est certain de ce qui a été dit ou écrit au sujet de la vie de Lao Tseu, généralement connu comme le fondateur du taoïsme. D'après Lin Yutang, il fut contemporain de Confucius naquit vers 571 Av. J.-C, et mourut probablement à l'âge de 90 ans (d'où le nom Lao qui signifie "vieux"). On lui attribue Ie célèbre Too To King, mais l'opinion que ce peut livre fut un produit postérieur, collectif et évolutionnaire qui contenait les doctrines fondamentales de Lao Tseu semble être de plus en plus acceptée par les savants du taoïsme. Voir W. T. Chan, tr., The Way of Lao Tzu (New York: Bobbs Merrill 1963), pp. 71-74. Chuang Tseu, mort environ en 275 Av. J.-C, fut donc contemporain de Mencius. Il était l'authentique porte^parole historique du taoïsme dont le fondateur Lao Tseu est devenu quelquefois trop légendaire pour être vraiment historique. 127 128RMMLA BulletinDecember 1971 tendance se dégagera, nous l'espérons, du fond de notre étude alors que le mysticisme servira de point de départ. Mais d'abord, il faut signaler qu' entre le mysticisme chrétien de Simone Weil et la pensée taoïste, il existe une différence fondamentale. Celui-là est un système de pensée qui part d'une conception dualiste de l'univers. Dieu le créateur existe en dehors de et autrement que l'univers, sa création. Alors que le taoïsme est une doctrine moniste. Cependant, Simone Weil n'a jamais accepté le catholicisme, du moins comme institution autoritaire.2 Elle a gardé toute sa vie son ind...

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