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Reviewed by:
  • Oroonoko
  • Catherine Gallouët (bio)
Aphra Behn . Oroonoko, trad. Guillaume Villeneuve, prés. Youmna Charara. Paris: Éditions Flammarion, 2009. 224pp. €6,30. ISBN 978-2-0812-1133-9.

Il faut saluer cette nouvelle traduction du roman d'Aphra Behn chez Flammarion dans la collection de poche GF. Publié à Londres en 1688, ce très court roman (quatre-vingt dix pages dans la présente édition) est à la fois « le premier roman américain » et « un cas exemplaire d'écriture féminine ». Mais ce qui retient surtout c'est l'histoire et les tribulations d'Oroonoko, prince africain enlevé à la femme qu'il aime et à son royaume et vendu comme esclave en Surinam, histoire qui a fortement marqué la rhétorique du mouvement abolitionniste de la deuxième moitié du XVIIIe siècle.

Le traducteur Guillaume Villeneuve souligne « ce que la syntaxe de l'auteur a de proprement baroque [...] traits ou négligences qui [End Page 154] obscurcissent parfois l'interprétation » (68). Pour respecter cette « ambivalence », sa traduction s'est inspirée du style des auteurs français contemporains d'Aphra Behn, « de leur grammaire et lexique baroques » (69). Le résultat tient donc davantage de l'élégance française que du style parfois confus, mais toujours évocateur d'Aphra Behn. Le vocabulaire et la syntaxe des grands romans baroques accentuent le souffle héroïque qui traverse le texte d'Aphra Behn, lui ajoutent une fluidité, un rythme qui, s'ils n'imitent pas exactement l'original, confèrent à la traduction une grande beauté, et restituent au texte d'Aphra Behn sa véritable dimension héroïque.

Youmna Charara, à qui l'on doit déjà un recueil Fictions coloniales du XVIIIe siècle. Ziméo. Lettres africaines. Adonis, ou le bon nègre, anecdote coloniale (L'Harmattan, 2005), fait la présentation de l'ouvrage. Il est aussi l'auteur des notes, a réuni les annexes du texte (certaines traduites par Guillaume Villeuneuve) ainsi qu'une chronologie et une bibliographie. Le lecteur novice a donc entre ses mains une documentation fort riche qui situe Oroonoko dans le contexte général de l'œuvre d'Aphra Behn, contexte doublé d'une analyse de la situation contemporaine de l'oeuvre tant au niveau de la vie littéraire, que de la vie politique et de la question coloniale.

Aphra Behn, « cette parvenue de la scène littéraire » (9), poète et dramaturge était aussi l'auteur d'un roman fleuve Love-Letters between a Nobleman and his Sister (1684-87). Oroonoko s'en démarque tant par sa brièveté que par son fond: « La figure de l'esclave noir est extrêmement originale, pour ne pas dire unique, dans le contexte littéraire du XVIIe siècle » (12). Tout en montrant à quel point se reflètent dans ce texte les tendances littéraires de l'époque aussi bien que celles de son auteur, Charara insiste sur sa dimension novatrice. Au niveau de la forme, il souligne des « croisements de registre », et même la « subversion hiérarchique des genres et des registres »: dans la partie africaine, le registre du roman baroque se mêle avec celui de la nouvelle galante; dans la deuxième partie, une histoire triviale (la révolte d'un esclave) est contée selon les topoi héroïques du roman baroque qui parachèvent le « dérèglement des codes littéraires » (16).

L'héroïsation d'Oroonoko, nécessaire « pour porter un récit colonial risqué et improbable » (36), n'empêche pas les convergences entre la vie de Spartacus dans la « Vie de Cassius » et celle d'Oroonoko, mais, ajoute Charara, « la représentation d'un esclave lié au public par un rapport de contemporanéité et une rapport économique distingue radicalement la nouvelle des fictions idéalisantes » antérieures (43). Oroonoko se distingue aussi par une « situation d'énonciation inédite », un esclave noir qui harangue d'autres esclaves noirs « pour les engager à remettre en question la hiérarchie de valeurs imposée par les Blancs ». Selon Charara, cette rupture « a quelque chose de révolutionnaire ». [End Page 155] Elle remet...

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