In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • Mappe-Monde Nouvelle Papistique: histoire de la Mappe-Monde papistique, en laquelle est déclairé tout ce qui est contenu et pourtraict en la grande Table, ou Carte de la Mappe-Monde (Genève, 1566)
  • Frédéric Tinguely
[ Jean-Baptiste Trento et Pierre Eskrich ]: Mappe-Monde Nouvelle Papistique: histoire de la Mappe-Monde papistique, en laquelle est déclairé tout ce qui est contenu et pourtraict en la grande Table, ou Carte de la Mappe-Monde (Genève, 1566). Édité par Frank Lestringant et Alessandra Preda. (Travaux d’Humanisme et Renaissance, 463). Genève: Droz, 2009. cvi + 482 pp., ill., cartes. Hb €100.19.

Les lecteurs du Quart Livre de Rabelais savent bien comment, au temps des Grandes Découvertes et de la Réforme, la satire anti-romaine a pu trouver dans la culture géographique un réservoir d’images, de formes, permettant de donner spectaculairement corps aux tares de la papauté. Le diptyque monumental publié anonymement à Genève en 1566 et dont Frank Lestringant et Alessandra Preda proposent aujourd’hui une remarquable édition critique relève du même genre de transposition allégorique, mais avec d’autres moyens et à une tout autre échelle: la Mappe-Monde Nouvelle Papistique est une impressionnante estampe gravée par Pierre Eskrich, qui inscrit dans la gueule du Diable le plan d’une Rome corrompue, dont les quartiers sont devenus des provinces du vice et dont les murs, fidèlement représentés, menacent de s’écrouler sous les coups des Réformateurs armés du Verbe; elle est assortie de l’Histoire de la Mappe-Monde papistique, un long texte descriptif (pp. 55–348) du réformé italien Jean-Baptiste Trento, qui en offre tout à la fois le commentaire et le développement satirique à grand renfort d’érudition ecclésiastique. En raison de ses dimensions, et sans doute aussi de sa lourdeur, le dispositif hybride conçu par Trento n’avait encore jamais été édité, et les spécialistes de la Renaissance, dont la curiosité se trouvait depuis longtemps aiguisée par un certain nombre d’études, devaient soit faire l’effort de consulter l’un des quatre exemplaires conservés de la Mappe-Monde (British Library, Université de Wrocław, Château de Sondershausen, Biblioteca Nazionale de Florence), soit accepter de s’en remettre contre leur penchant à l’autorité du monstrueux ‘Ouy-dire’. Il faut donc saluer l’effort éditorial considérable dont témoigne cette publication, qui met à disposition du lecteur une grande Mappe-Monde dépliante en couleur, retranscrit toutes les légendes entourant le plan de Rome proprement dit, reproduit individuellement en noir et blanc chacune des planches composant l’ensemble, et propose une édition critique rigoureuse du texte de l’Histoire de la Mappe-Monde selon l’émission corrigée de 1567. Dans leur excellente introduction, les éditeurs réinscrivent notamment l’entreprise de Trento dans la mouvance réformée d’Italie et dessinent un faisceau de sources décisives, parmi lesquelles le Pasquillus extaticus de Celio Curione et surtout La Tragedia del libero arbitrio de Francesco Negri. Ces rapprochements et quelques autres permettent de bien saisir la spécificité d’un théâtre de la mémoire terriblement sombre, qui articule différents espaces (la bouche d’enfer, le plan de Rome, la carte du monde) au service d’une pédagogie polémique n’offrant ni les ambiguïtés ni les bouffonneries de la satire rabelaisienne. Une pédagogie par l’image hallucinatoire qui, loin d’entrer en tension avec les postulats iconoclastes de la Réforme, parvient à exploiter la force des représentations visuelles tout en leur conservant une dimension répulsive, en inscrivant aussi en leur sein le geste même de leur destruction.

Frédéric Tinguely
Université de Genève
...

pdf

Share