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Reviewed by:
  • Georges Bataille Interdisciplinaire. Autour de la Somme athéologique
  • Gaëtan Brulotte (bio)
Georges Bataille Interdisciplinaire. Autour de la Somme athéologique, s. la dir. de Martin Cloutier et François Nault Montréal, Triptyque, 2009, 224 p., 25$

Georges Bataille a été un écrivain important au XXe siècle en ce qu'il a été aussi un penseur, un animateur de revue et un homme engagé. Dans ce recueil d'articles autour de son œuvre, et en particulier de la Somme athéologique (tome V et VI des OEuvres complètes chez Gallimard), on tente d'en mesurer la pertinence en l'examinant de divers points de vue, littéraire, philosophique, psychanalytique, sociologique et théologique.

L'ensemble des lectures apporte des vues contrastées de Bataille. Le discours théologique intéresse Martin Cloutier, un des initiateurs de ce projet, qui reprend la critique bataillienne du salut et réexamine la perte de soi dans la transgression des règles comme sa condition de base, puisque la perte (la consumation libre) est au principe de l'activité humaine. Sous cet angle, le théologien cherche à explorer la théologie négative de l'auteur de L'expérience intérieure dans le sillage de Kierkegaard et de Simone Weil. Si on peut admirer l'ouverture de la théologie chrétienne récente à une œuvre aussi provocatrice que celle de Bataille, on voit vite aussi que ce discours se confronte à ses propres limites. Bataille niait radicalement son postulat fondamental, soit l'existence de Dieu, et se méfiait des pratiques et des discours anesthésiques. La théologie en fait assurément partie en ce qu'elle ne comprend pas l'absurde, comme l'affirme non sans courage ce collaborateur, elle ne fait que l'oublier par des croyances qui endorment la conscience. [End Page 603]

François Nault, l'autre théologien qui dirige cet ouvrage, cherche lui aussi des points d'articulation entre le christianisme et les perspectives ouvertes par Bataille. S'il reconnaît l'hostilité foncière de ce dernier contre le christianisme, ne serait-ce que dans son athéologie ouvertement anti-chrétienne, il vise à montrer que ses rapports à la religion ne sont pas aussi simples. Plus spécifiquement il s'attache au thème de l'incarnation divine. Malgré les efforts qu'il déploie pour ne pas enfermer Bataille dans une forme quelconque de clôture, il n'en reste pas moins que le fait d'essayer de le ramener de force au christianisme, ne fû t-ce que sur le plan théorique, a pour effet d'affaiblir ses positions radicales. L'essayiste tente, ici, de montrer que Bataille n'a pas vraiment compris le christianisme, puisque celui-ci approuverait en fait la vie jusque dans la mort. La crucifixion est perçue par Nault comme un grand « Oui » à la vie, aux autres, à la chair, et la foi n'aurait d'autre objet que la chair à laquelle il s'agit d'acquiescer fidèlement jusqu'au bout. . . Bien sû r, point n'est besoin d'être théologien pour voir le caractère fort contestable de ces vues, puisqu'il saute aux yeux que le christianisme a mené dans toute son histoire un vaste combat acharné contre la chair, contre la sexualité en particulier qu'il a consacré deux millénaires à essayer de contrô ler et de vaincre en vain. On semble essayer de faire oublier la profonde misogynie de cette religion, ses pratiques mortificatoires élaborées et ses inquisitions terroristes qui ont fait tant de victimes. Ceux qui connaissent un peu l'œuvre volcanique de Bataille auront du mal à être convaincus que le « Non » chrétien contre lequel Bataille tout naturellement se révolte, se confonde avec le « Oui » nietzschéen dont ce dernier est proche. C'est chercher à donner une vision ultérieure théorique souriante du christianisme qui ne correspond guère à sa réalité historique telle qu'elle a été vécue par bien des chrétiens qui l'ont subie comme Bataille. La révolte de ce dernier est justifiée, n'en déplaise aux théologiens actuels qui voudraient transformer...

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