In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • Les urbanités parisiennes au XVIIe siècle. Le livre du trottoir
  • Roxanne Roy (bio)
Daniel Vaillancourt , Les urbanités parisiennes au XVIIe siècle. Le livre du trottoir. Québec, Les Presses de l'Université Laval, Les collections de la République des Lettres, Études, 2009, xiv-315 p.

Cet ouvrage porte sur la notion d'urbanité parisienne au XVIIe siècle, une urbanitas qui renvoie à la fois à des pratiques polies du corps et de l'esprit, et à une manière d'occuper et de penser les lieux et l'espace. Adoptant une perspective qui allie sémiotique et épistémocritique, Daniel Vaillancourt entend déchiffrer la ville conçue comme un espace de signes saturés de significations. Il s'intéresse à sa formation discursive et à ses formes symboliques, à la ville de Paris telle qu'elle se dessine dans les discours, à l'art de vivre qu'on y peint. L'auteur pose comme postulat de base que « l'élargissement de la rue provoque une modification des manières de faire et des modes d'inscription du sujet dans l'espace urbain ». Partant de là, il en vient à considérer tour à tour l'élargissement et l'alignement des rues, l'ordonnancement des façades, le nettoyage du trottoir, son incidence sur l'art de se promener, que ce soit à pied ou en carrosse, comme autant d'éléments tributaires d'une logistique de la circulation qui est au fondement de l'urbanité parisienne qui se met en place. Vitesse, rectitude, propreté et contenance sont désormais les mots d'ordre de cette urbanité. La périodisation choisie couvre essentiellement le règne de Henri IV depuis son arrivée à Paris (1594), la nomination de Sully à la fonction de Grand Voyer (1599), en passant par les politiques adoptées par Richelieu puis Colbert, l'institution du Lieutenant général de Police (1667), jusqu'au départ du roi Louis XIV pour Versailles (1673). Pour mener cette enquête et donner à lire cette ville de papier, Vaillancourt a eu recours a un large et très riche corpus composé de ce qu'il nomme « cinq strates discursives » : soit les discours lexicographiques, proto-touristiques, technocratiques, les traités de civilité et les discours littéraires et philosophiques. D'ailleurs, l'une des grandes forces de ce livre est de convoquer un vaste échantillon de textes qui font appel à une pluralité de savoirs, et de les analyser à la lumière de la notion d'urbanité.

En parcourant le livre de Vaillancourt, on est souvent tenté de faire des rapprochements avec les travaux consacrés à l'esthétique baroque. En effet, un peu à la manière des ouvrages de Jean Rousset ou de Christian Zonza qui mettent l'accent sur la courbe, montrant les liens qui existent entre esthétique, architecture, mode de vie, conception du monde et sensibilité, ce livre porte sur l'imaginaire classique en prenant pour cas de figure la ligne droite, celle du trottoir parisien, et [End Page 576] de ses constituantes, faisant appel tout autant aux traités urbanistiques, au droit et à l'histoire, qu'aux arts de vivre à la cour et aux œuvres littéraires. D'ailleurs, l'auteur lui-même mentionne en avant-propos que certaines lectures à l'origine de cette recherche ont été faites au « hasard de la préparation d'un séminaire sur le baroque », ce qui autorise sans doute ce parallèle.

Les notions de théâtre du monde et de théâtralisation de soi, qui occupent une place centrale dans la réflexion de l'auteur sur l'espace urbain, nous ont parues particulièrement intéressantes. Vaillancourt remarque avec justesse que pour l'honnête homme, la ville est un espace théâtral où l'on se montre et se fait voir, et que la rue, le trottoir et les promenades sont autant de lieux propices à une mise en scène de soi. S'il est de mise pour l'homme du monde qui se sait sans cesse épié et observé d'adopter un juste maintien, de faire preuve de retenue, de maîtriser les signes des passions qui peuvent se voir à la surface...

pdf

Share