- Vérité et fiction dans les entrées solennelles à la Renaissance et à l'âge classique
Loin d'être marginaux ou frivoles, les textes qui rendent compte des entrées solennelles des rois et d'autres personnages importants dans différentes villes pendant l'Ancien régime sont des ressources essentielles pour l'étude des développements religieux, politiques et culturels. L'analyse de la documentation de ces événements spectaculaires mais passagers demande des approches multidisciplinaires, sensibles aux rituels religieux, civiques ou humanistes, aux jeux de pouvoir politique, ainsi qu'à la rhétorique, aux images et aux éléments d'architecture temporaires. Cet ouvrage collectif offre des renseignements précieux à propos des entrées, de leur intention, de ceux qui les ont créées, de leurs sources, ainsi que du processus de préparation et de distribution des livrets.
Ce livre vient se joindre aux ouvrages déjà parus dans le contexte des travaux du Groupe de Recherche sur les Entrées Solennelles, dirigé par Marie-France Wagner à l'Université Concordia. Le GRES a fait du Canada un lieu privilégié pour ce genre de recherche. En poursuivant leur projet ambitieux d'édition d'un vaste corpus de textes relatifs aux entrées et d'en encourager l'étude, les membres du GRES ont publié plusieurs livres, y compris des études collectives avec participation internationale. Certaines d'entre elles traitent spécifiquement des entrées royales (Wagner et Vaillancourt, Le roi dans la ville. Anthologie des entrées royales, 2001 ; Russell et Visentin, French Ceremonial Entries : Event, Image, Text, 2007). D'autres traitent des cérémonies urbaines plus généralement (Blanchard et Visentin, L'invraisemblance du pouvoir. Mises en scène de la souveraineté, 2005 ; Wagner, Frappier, Latraverse, Les jeux de l'échange : entrées solennelles et divertissements, 2007 ; Vaillancourt, La cérémonie : entre le protocolaire et l'intime 2008 ; Vaillancourt, Les urbanités parisiennes au XVIIe siècle. Le livre du trottoir, 2009).
John Nassichuk propose ici les actes sélectifs d'un colloque tenu en 2006 au Centre des Études Supérieures de la Renaissance à Tours, qui comportent des contributions de chercheurs canadiens, français, anglais et américains. Les quinze articles explorent plusieurs aspects du jeu entre « Vérité et fiction » dans les comptes rendus d'entrées en France, mais aussi en Italie, en Flandres et en Amérique, entre 1494 et 1664. Les personnages principaux en sont des rois de France (Charles VIII, François Ier, Henri II, Charles IX), l'empereur Charles V, le roi d'Espagne Philippe II, les cardinaux de Bourbon et Chigi, le couple François de Lorraine et Christiane de Danemark, le duc de Rohan, et le dauphin Louis (in absentia). [End Page 571]
La tension paradoxale entre « vérité et fiction » ne se limite pas à la description verbale de ces événements « éphémères et hautement symboliques ». Les entrées elles-mêmes sont des créations littéraires, artistiques, théâtrales. Les arcs de triomphe, conçus selon les théories antiques nouvellement expliquées par Serlio, sont « feints », de « platte peinture », aptes à produire « une illusion de réalité » et à attirer l'attention au rêve d'empire des humanistes (Yves Pauwels). C'est le cas aussi pour les échos de la Franciade de Ronsard et d'autres œuvres littéraires (John Nassichuk). Plusieurs des images déployées s'expliquent seulement en fonction des livres d'emblèmes qui ont servi de modèles (David Russell). On observe le souci d'établir un symbolisme apte à promouvoir soit les intérêts du roi, soit ceux de la ville, ou ceux des humanistes créateurs du programme (Luisa Capodeici, Louise Frappier, Jean-Claude Arnould). Il arrive que le symbolisme humaniste/impérial entre en conflit avec le cadre médiéval de la ville, ce qui produit une image visuelle de l'évolution...