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  • Olivar Asselin, le pamphlétaire maudit
  • Claude Grégoire (bio)
Claude-Henri Grignon , Olivar Asselin, le pamphlétaire maudit, s. la dir. de Pierre Grignon. Préface de Victor-Lévy Beaulieu Trois-Pistoles, Éditions Trois-Pistoles, 2007, 341 p., 32,95$

La société canadienne-française de l'entre-deux-guerres, malgré son apparente stabilité, était le théâtre de bouillonnements que la gouverne cléricale aura malgré elle autant suscités qu'étouffés. Les domaines politique et littéraire, sensibles aux courants mondiaux, auront entendu certaines voix briser la conspiration du silence pour défendre ce qu'elles croyaient être la vérité. Parmi elles, Claude-Henri Grignon, alors plus revendicateur que conservateur, et Olivar Asselin, homme de lettres et journaliste, dont la relation d'amitié nous est livrée dans Olivar Asselin, le pamphlétaire maudit, hommage de Grignon à celui qu'il considérait comme son mentor. Terminé dans les années 1960, une trentaine d'années après le décès d'Asselin, mais heureusement sorti des trésors familiaux en 2007 par Pierre Grignon, petit-neveu de l'écrivain, Olivar Asselin, le pamphlétaire maudit lève le voile sur un segment trop longtemps caché de la vie personnelle et professionnelle de deux des plus étonnants polémistes que le Québec ait connus.

Peut-être mal baptisée, tant elle ne peut dissocier le destin de Grignon de celui d'Asselin, cette publication posthume fait resurgir des éléments parfois troublants de la vie de Grignon. La biographie que celui-ci tisse et la correspondance qui la suit nous rappellent le Grignon des débuts, plus celui des Carnets de Valdombre que celui d'Un homme et son péché, et l'importance de son ami Asselin, dont l'appui professionnel a tiré Grignon de l'indigence. Tous deux étaient reconnus pour leur franc-parler, leur nature violente (on se rappellera qu'Asselin, alors journaliste parlementaire, avait asséné une gifle au visage du premier ministre Taschereau), leur opiniâtre recherche de la vérité (celle de droite). On ne peut toutefois oublier que leur farouche obstination à briser la conspiration du silence ne se fit pas sans heurts pour l'un comme pour l'autre : la correspondance, d'où émerge l'indéniable admiration de Grignon pour Asselin, se veut par moments troublante, particulièrement dans les lettres écrites par Grignon depuis la prison où il séjourna quelques mois en 1932, pour avoir volé afin d'aider un membre de sa famille. Seule l'aide d'Asselin, en attendant l'impressionnant succès d'Un homme et son péché, lui aura permis de résister, de persister dans son oeuvre éditoriale, voire de rester en vie. Les difficiles conditions du monde littéraire de cette époque et la précarité de l'emploi laissaient peu de tribunes aux auteurs indépendants qui, comme Grignon, [End Page 538] usaient d'une verve acide, souvent sans nuances dans la défense de leurs opinions. À cet égard, Grignon était sans quartier pour quiconque ne partageait pas intégralement ses opinions ou n'avait pas la même conception de la vérité, de l'honnêteté ou de l'art littéraire.

Cette relation d'une amitié entre hommes d'idées est dans l'ensemble livrée avec une plume grandiloquente, qui magnifie le passé et exacerbe les combats menés alors : il est entre autres permis de se demander si Asselin affichait la ferveur terroiriste à laquelle Grignon le rattache. Il ressort de ce qui doit être une esquisse d'Asselin l'image d'un Grignon misérabiliste, survivant de la littérature. On ne s'étonnera pas que Grignon se soit accordé beaucoup de place dans le portrait qu'il tissait d'Asselin, au point où on lui a réservé la couverture de son ouvrage sur le pamphlétaire maudit.

Claude Grégoire

Claude Grégoire, Collège Mérici et École des langues, Université Laval

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