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Reviewed by:
  • La rhétorique mode d'emploi. Procédés et effets de sens
  • Marc André Bernier (bio)
Fortin, Nicole , La rhétorique mode d'emploi. Procédés et effets de sens. Qué bec, L'instant même, coll. Connaître, 2007, 153 p.

Si, depuis la Rhétorique à Hérennius (Ier siècle av. J.-C.), la très riche tradition des traités de rhétorique à vocation didactique ou pédagogique a revêtu les formes les plus diverses, il semble néanmoins possible d'y apercevoir au moins deux tendances. La première redoute les excès du formalisme auxquels invite une conception de la rhétorique d'abord conçue comme une tecknè pour mieux insister sur les liens indissociables entre invention verbale et culture générale. Cette façon d'envisager l'éloquence est d'origine cicéronienne : « Les mots ne sont rien sans les idées, et les idées sont sans effet sans l'éclat de l'expression », lit-on dans le troisième livre du traité De l'Orateur. À l'époque moderne, cette attitude détermine les grands principes de la pédagogie humaniste, pour laquelle ce n'est pas tant la description technique des différents procédés rhétoriques qui importe, qu'une conception générale de l'art de dire qui se refuse à toute distinction de principe entre les res et les verba, c'est-à-dire entre le « fond » et la « forme » du discours. Il en résulte des manuels qui, de ce fait, s'attardent beaucoup moins à définir des règles qu'à commenter des exemples où le procédé oratoire s'accomplit dans la plénitude d'une parole qu'inspirent à la fois le précepte et la culture. C'est ainsi qu'à la suite du Traité de la manière d'enseigner et d'étudier les belles lettres (1726) de Charles Rollin, dont l'influence fut considérable, en France comme au Québec, sur les pratiques pédagogiques des XVIIIe et XIXe siècles, un auteur comme Gabriel Henri Gaillard rappelle, dans la préface de sa Rhétorique française à l'usage des jeunes demoiselles (1745), qu'il a « préféré les douces et instructives leçons que donnent les exemples, à la stérile et rebutante sécheresse des préceptes ».

La seconde tendance est beaucoup plus formaliste. Historiquement, elle s'inscrit dans le sillage d'Aristote et, chez les Modernes, s'exprime dans ces sommes de l'art oratoire que représentent des ouvrages comme la Rhétorique ou les règles de l'éloquence (1730) de Balthasar Gibert, pour lequel l'exemple ne doit servir qu'à éclairer la compréhension du précepte ou du procédé. En s'inspirant d'Aristote, qui s'était intéressé aussi bien à la rhétorique qu'à la poétique, mais aussi des traités de « rhétorique seconde » de la Renaissance, qui sont en fait des ouvrages de poétique, cette manière de concevoir les [End Page 480] arts du discours participe également d'un esprit où l'on place volontiers sur le même plan les questions de rhétorique et de poétique. Chaque fois, celles-ci procèdent de la même ambition à identifier et à définir, à distinguer et à classer, qu'il s'agisse des principales formes d'argumentation pour la rhétorique, des genres littéraires ou des règles de la versification pour la poétique, ou encore des figures de style pour l'une et l'autre.

En définissant la rhétorique comme « une compilation de règles qui guident des usages », l'ouvrage que signe Nicole Fortin se rattache à cette seconde tradition. Comme l'indique son titre, il se veut non seulement un « mode d'emploi » où sont définis schématiquement les principaux procédés de la rhétorique, ce qui répond assurément à la vocation didactique de la collection où il paraît et qui s'adresse avant tout « aux professeurs et aux étudiants », mais il prolonge encore une démarche où sont réunies rhétoriques « première » et « seconde », comme en...

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