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  • Compilations, recueils, collections
  • Wendy Ayres-Bennett and Catherine Volpilhac-Auger

'Compiler' a mauvaise réputation en français moderne, et les 'compilations' sont bien souvent considérées comme la reprise du bien d'autrui, sans intervention personnelle ni intelligence. En témoignerait, entre mille autres et au hasard, Montesquieu: 'De tous les Auteurs, il n'y en a point que je meprise plus que les Compilateurs.'1 Les dictionnaires de Cotgrave (1611), Richelet (1680) et Furetière (1690) offraient une définition neutre du terme (par exemple, on trouve chez Richelet 'ramas et recueil de plusieurs choses qu'on a ramassées de quelques Auteurs'), mais l'exemple que fournit l'Académie en 1694 implique plutôt une connotation négative: 'Ce livre n'est qu'une compilation'. 2 Fournir les documents, inventorier les textes, s'effacer devant ceux qui vous ont précédé, tout ce qui pouvait faire la grandeur de la démarche savante recule devant le devoir d'invention, et le compilateur doit le céder à l'auteur, car l'époque moderne ne saisit que la forme abâtardie, mécanique, répétitive, de son activité, au détriment de sa fonction didactique et de sa qualité intrinsèque.

Rien d'aussi péjoratif ne s'attache au terme 'Collection', qui selon Furetière correspond à un 'Recueil qu'on fait des plus beaux passages qu'on trouve dans les Auteurs, ou des endroits qui servent à quelque dessein qu'on a entrepris', ou 'un recueil, [. . .] une compilation de plusieurs ouvrages', ses exemples faisant référence aux collections des libraires ainsi qu'aux collections de pièces curieuses de l'Antiquité;3 d'une façon voisine, selon l'Académie (1694), 'Collection' désigne un 'Recuëil de plusieurs passages sur une ou plusieurs matieres, tirée d'un ou de plusieurs Autheurs' ou un 'recuëil, compilation de plusieurs pieces et ouvrages qui ont quelque rapport ensemble'. Ainsi 'Recueil', qui figure dans toutes les définitions envisagées, apparaîtrait comme un terme neutre, plus usité et plus général que les deux autres, mais qui en pratique recoupe le champ de 'collection': 'se dit aussi figurément en choses morales, et de Litterature. Un Predicateur se sert utilement de tous les recueils, des collections, des plus belles [End Page 301] pensées qu'il a trouvées dans les livres' (Furetière). Il englobe tous les domaines qui sont ceux de la collection: 'Le cabinet du Roy est un recueil de ce qu'il y a de plus beau, de plus rare dans la curiosité. Il a fait un recueil des plus belles medailles, des plus beaux tableaux, des plus belles estampes de l'Europe' (ibid.). L'excellence, voire l'extraordinaire, voilà ce qui caractérise le recueil comme la collection, qui se fondent donc sur la sélection, le choix, comme l'indiquent encore ces ajouts de l'Académie (1762): 'Il a fait une bonne collection de tout ce qu'il y a de plus remarquable dans cet Auteur [. . .] Collection d'antiques, de médailles, de plantes, de coquilles, etc.'.4 Il faut d'abord 'ramasser', puis trier et organiser: le multiple et le divers s'ordonnent ainsi et font sens, ce qui explique que 'ramasser', 'ramas' soient pris péjorativement quand l'effort s'arrête là.

'Recueil' et 'collection', si proches à l'origine et dans les pratiques, occupent aussi des champs distincts dans la mesure où 'recueil' pris au sens propre désigne plus communément un ouvrage constitué, donc fini, et 'collection' un ensemble de pièces, ouvert et susceptible de s'accroître. Ainsi le principe de la collection peut être parfois actif, fécond, quand il définit un développement, et non seulement une cohérence — on pense avant tout à la production des livres, qui correspond à un aspect majeur de la notion de collection, mais c'est l'ensemble de l'activité de 'collection' qu'il faut prendre en compte. On peut évidemment souligner que ce mode de composition s'oppose à la croissance organique, harmonieuse et spontanée de l'oeuvre maîtrisée par son auteur — en témoigne le mouvement...

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