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Reviewed by:
  • Voix du monde : nouvelles francophones
  • Charles Gueboguo
Bénédicte Boisseron et Frieda Ekotto, éds. Voix du monde : nouvelles francophones. Pessac: Presses Universitaires de Bordeaux, 2011. Pp. 151. 11 Euros.

Voix du monde : nouvelles francophones est un recueil de quatorze nouvelles, inédites ou reprises, écrit par quatorze auteurs célèbres, dont treize ont reçu les distinctions honorifiques du monde littéraire francophone. Il se veut une manière de lecture de la littérature francophone qui se refuse d'être focalisée à une région (continent africain, les Caraïbes ou autres), et offre en lieu et place une démarche polysémique au-delà d'une cartographie particulière. Le débat est d'entrée de jeu ouvert entre ce que les éditrices nomment "littérature du divers de langue française" (15) et la "littérature-monde" (12) de Le Bris. À partir d'une fine analyse en guise d'introduction, elles soulignent le danger pervers de cette dernière qui, à l'image du monde colonial de compartimentation à la Fanon, essaierait de "sectariser à nouveau la littérature de langue française" (14). La littérature du divers, loin de n'être qu'une theoria, dans le sens de contemplation désengagée, va se nourrir à la source d'une imagination humaniste, comme expression de l'Einfühlung : la saisie de l'autre afin d'apprendre à vivre avec l'autre dans une poétique de la relation à la Glissant. En rapport avec l'essence même de la francophonie, le souci de dé-compartimentation aura pour point de départ le divers, et pour point d'arrivée un regard diversifié en des possibles infinis. Il est porteur d'inventions néologiques et de transformations de nouveaux espaces du dicible, audelà des frontières vierges de la nation, sans nécessairement l'exclure. Le divers à ce niveau est la réalité qui projette son regard dans le miroir de la langue pour retrouver la polysémie de ses mondes. C'est ce qui va donner à toutes les contributions de ce collectif un regard, un style qui tire sa source dans la subjectivité ordinaire de tous les espaces physiques avec lesquels les contributeurs ont été extraordinairement en contact.

Quelques exemples non exhaustifs pour illustrer ce qui précède. Le lecteur est enrichi du regard diversifié que les trois Martiniquais—Raphaël Confiant, Jean Bernabé et Patrick Chamoiseau—portent sur la femme. Ce regard est parcouru des voix polysémiques qui baignent dans l'encre d'une écriture créoliste riche en néologisme. Elle est mitan de tous bâtis sur ces îles, et partant, le socle des imaginaires est aussi réminiscence et réification stylistique de ce corps qu'aucune "lointeur" (28) n'empêchera d'atteindre, quand bien-même le monde alentour reste "nocticides" (38). En passant par Maryse Condé, Daniel Maximin et après un détour chez [End Page 120] Suzanne Dracius, Patrice Nganang, Ernest Pépin, Boualem Sansal, Gaston-Paul Effa, Véronique Tadjo, et Dany Laferrière, on atteint l'extase prosodique dans une explosion quasi poétique quand Nimrod, à la quête de lui-même, fait dialoguer l'univers de la pêche et le monde des livres, son père servant de passerelle au bord du fleuve Chari, dans son Tchad natal.

On peut reconnaître à Boisseron et à Ekotto, à travers l'orientation observée dans la direction de ce projet, une posture politique, à savoir, redonner de la voix au monde du divers et où la langue française ne serait qu'un miroir. Cet espace sera porteur d'un ethos rendu style, en même temps qu'il demeurera le poteau-mitan à partir duquel se diversifiera les lectures et les styles écrits. Ainsi, la littérature-monde de Le Bris, qui est un pacte non pas avec la nation, mais avec la langue française que Boisseron et Ekotto remettent en question, s'apparente-t-elle à un type d'actes homologués doté d'un caractère violent, qui est traduit par un vouloir aveugle à tout ramener au Même. La mêmeté ici sera la traduction de l'expression de la seule...

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