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Reviewed by:
  • La crise du modèle social américain
  • Marianne Debouzy
Catherine Sauviat et Laurence Lizé. - La crise du modèle social américain. Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2010, 249 pages. « Économie et société ».

Pour qui veut comprendre ce qu'est « le modèle social américain », ne pas se perdre dans le labyrinthe des textes de lois et mesures en vigueur aux États-Unis, et suivre leur évolution, l'ouvrage des économistes Catherine Sauviat et Laurence Lizé est indispensable. La clarté de l'exposé permet de pénétrer un système lacunaire mais complexe, en raison des multiples sources des droits et de la fragmentation des institutions.

Dans l'introduction, le « modèle social » est défini par « un ensemble de valeurs et d'institutions clés sous-tendant un certain type d'organisation de l'économie et de la société et les objectifs qu'un pays se fixe sur le long terme dans ce domaine ». Le modèle social américain est « fondé sur des valeurs libérales et un principe de laisser-faire », centré sur l'individu, « doté de droits mais responsable de ses actions et de son propre destin ». Ce modèle accorde un rôle fondamental à l'entreprise privée et au marché dans les régulations économiques et sociales. Il a pour base la croyance qu'aux Etats-Unis, l'égalité des chances permet à tout individu de réussir dans la vie. Le point de vue des auteurs est que ce modèle est en crise, comme en témoignent la dégradation des conditions de travail et de salaire et « la perte de réactivité de l'économie américaine » depuis plusieurs décennies.

Dans une première partie sur « l'érosion des principales institutions du travail », les auteurs analysent la faiblesse de l'encadrement législatif et la fragmentation des institutions régissant la relation d'emploi, le déclin du mouvement syndical, la dévalorisation du salaire minimum et le caractère minimaliste de l'assurance chômage.

Ce qui donne du poids à ces analyses, c'est leur caractère à la fois précis et abondamment documenté. Catherine Sauviat et Laurence Lizé suivent l'évolution des lois, depuis le New Deal, les débats qui les ont accompagnées, le partage des rôles entre les différentes institutions et l'articulation entre les différents niveaux de droit. Elles rendent compréhensibles les rapports entre l'État fédéral et les États et font apparaître le caractère souvent temporaire des politiques sociales, qui changent avec les présidents. Tout en entrant dans les détails, l'exposé reste charpenté et la perspective historique toujours présente. [End Page 167]

La deuxième partie démystifie les « performances du marché en trompe-l'œil ». L'analyse remet en cause les données officielles sur le taux de chômage, examine de près « la machine à créer des emplois » et fait apparaître l'écart entre le mythe et la réalité. « Les performances d'emploi se révèlent particulièrement contrastées selon que les secteurs sont - ou non - directement exposés à la concurrence internationale » (p. 104). Les auteurs font valoir qu'on occulte trop souvent le rôle de l'emploi public comme facteur stabilisateur de l'emploi. Elles évoquent la polémique sur le rôle des gains de productivité comme « cause d'une relative contraction de l'emploi à court terme ». La mobilité, tant vantée, est vue comme souvent contrainte et liée à une grande insécurité de l'emploi. L'ouvrage souligne la « dualisation » du marché du travail et la prolifération des emplois « atypiques », c'est-à-dire précaires, dans toute leur diversité. Est citée au passage l'estimation d'un spécialiste américain selon laquelle l'économie américaine aurait perdu 25 à 30 % de sa capacité à créer de « bons emplois ».

Un chapitre traite des politiques de l'emploi vues comme faibles, « passives » parce qu'elles sont cohérentes avec le libéralisme économique qui privilégie la logique du marché. Là encore, les débats ont été vifs en période de...

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