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  • Éditorial
  • Elizabeth Sheehy, Rédactrice invitée

Le présent numéro de la Revue Femmes et Droit documente et redécouvre les luttes féministes visant à obtenir justice et égalité pour les femmes qui ont été violées. Les articles proviennent d'un colloque convoqué par Elizabeth Sheehy et organisé par Jane Doe à l'Université d'Ottawa en mars 2009 pour célébrer et évaluer les acquis et les reculs de la décennie qui a suivi la victoire de Jane Doe après une bataille juridique de douze ans contre la police de Toronto, accusée de discrimination fondée sur le sexe et de négligence dans la prévention de son viol1. Le colloque, qui a fait salle comble, a témoigné de la profondeur et de l'ampleur de l'engagement et du militantisme féministes : 70 personnes du Canada et de partout au monde ont présenté leurs travaux à un auditoire de 350 militantes, avocates, étudiantes, chercheures et universitaires. Les huit articles de ce numéro représentent une partie critique du colloque et répondent, de diverses manières, aux changements sociaux et juridiques que les féministes ont initiés pendant plus de trois décennies de réforme et de militantisme au Canada2.

Les féministes au Canada ont réussi à obtenir au moins trois réformes législatives étonnantes en matière d'agression sexuelle en plus de nombreux autres acquis juridiques. En 1983, une réforme majeure du crime de viol3 dans le Code criminel a instauré un bouleversement conceptuel prôné par Lorenne Clark et Debra Lewis dans leur étude de 1977 portant sur la prévention du viol—Rape: The Price of Coercive Sexuality4. Elles ont conceptualisé le viol comme un produit de relations de pouvoir inégal, structuré par la société, dans laquelle la sexualité des femmes est réifiée. Elles ont proposé de redéfinir le crime comme une forme d'agression afin de contester non seulement les compréhensions sociétales étroites du viol, mais aussi pour défaire les nombreuses règles discriminatoires sur le plan sexuel dans le processus judiciaire du viol, notamment l'autorisation du contre-interrogatoire des femmes par rapport à leur passé sexuel. En 1983, le « viol » a été aboli, tout comme « l'immunité du mari » et une nouvelle infraction d'agression sexuelle a été adoptée, utilisant trois niveaux afin d'identifier la violence additionnelle perpétrée contre les femmes. La nouvelle loi a également réformé de façon significative [End Page ix] de nombreuses règles de preuve discriminatoires qui minaient la crédibilité des femmes comme témoins.

Mais en dépit du bouleversement conceptuel juridique de 1983, le discours du public et des médias portant sur l'infraction d'agression sexuelle demeure embourbé dans les vieux concepts : d'hommes respectables accusés par des femmes manipulatrices, du vrai « viol »—c'est-à-dire du viol par un « étranger » plutôt que des agressions sexuelles plus fréquentes pratiquées par les maris, les petits amis et les connaissances—et des agressions sexuelles commises par les hommes racialisés. L'idée que l'agression sexuelle est, de façon inhérente, moins grave qu'un viol est un nouveau mythe créé par les réformes, ce qui a provoqué de la confusion publique sur la définition et l'utilisation de ces nouveaux termes. Bien qu'il soit vrai que l'agression sexuelle est un terme plus large, qui comprend des comportements variant grandement dans le degré d'intrusion, la vaste majorité des agressions perpétrées contre des femmes adultes et traitées par le système judiciaire pénal demeure, de fait, des viols5. Dans certains des articles de cette collection, les auteures utilisent le mot viol pour reconnaître les expériences des femmes victimes de ce crime. Politiquement et personnellement, nous savons que si les femmes, la police, les juristes ou les médias utilisent le mot « viol », cela signifie alors qu'une femme a été pénétrée d'une manière ou d'une autre. Tout en admettant que...

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