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  • Introduction:Réguler le travail décent pour les travailleuses domestiques
  • Adelle Blackett, rédactrice invitée (bio)

Le travail de soins1 à domicile est nécessaire au fonctionnement du marché. Ce lien au marché a peut-être été occulté par la facilité avec laquelle la prestation de soins [End Page 47] (ou la prise de soins comme préfère l'appeler Martha Fineman) est conçue comme étant non payée au sein de la famille nucléaire2. On a remis les soins dans la sphère publique, de façon graduelle et sélective, en suivant un raisonnement étatiste de sécurité sociale. Dans les États qui ont mis en place des mesures [End Page 48] de sécurité sociale3, les droits tendent à favoriser le modèle de l'homme soutien de famille, mais sont liés et étendus aux droits émanant de la citoyenneté sociale4.

Comme le fait remarquer Catharina Calleman dans sa contribution au présent numéro spécial, bien que certains États profondément sociaux-démocrates comme la Suède aient présumé que la demande de travail domestique diminuerait au fil des progrès de l'équité au travail et de l'égalité entre hommes et femmes, on a connu au contraire une recrudescence de la demande pour du travail domestique rémunéré5. L'importance du travail domestique rémunéré dans le foyer a pris de l'ampleur pour toutes les raisons démographiques ayant trait aux familles à deux revenus dans une structure économique dont la viabilité semble irrémédiablement liée à la consommation. À ce stade-ci de la mondialisation, l'insatiable « besoin » de main-d'œuvre toujours disponible et nécessairement productive se conjugue à des changements démographiques majeurs qui mènent dans de nombreuses parties du monde à une plus grande longévité. Il est important de reconnaître que l'augmentation du travail domestique reflète également le fait que certains groupes, comme les personnes handicapées ou âgées, accordent de plus en plus de valeur à la dignité d'être en mesure de recevoir des soins à la maison et de conserver ainsi plus d'autonomie que s'ils étaient dans des établissements de soins de santé publics6.

On ne peut que faire un lien entre la croissance de la demande actuelle en soins privatisés et le retrait de l'État de la prestation de certains services, ainsi qu'une augmentation de la tendance à privatiser les soins en suivant une logique de réduction des coûts et un engagement ou une capacité moindre de payer la protection sociale par l'imposition fiscale des employeurs dans un milieu où les employeurs sont aussi perçus comme des investisseurs mobiles qui risquent de déménager7. De plus, la [End Page 49] persistance de l'embauche de personnel de soins dans de nombreux pays en développement reflète en partie le fait que la plupart de ces pays n'ont jamais eu le privilè ge de développer des régimes de sécurité sociale efficaces8.

Alors en général, ce sont plutôt des femmes racialisées, « altérisées »—souvent très instruites, comme des infirmières qualifiées ou des enseignantes—qui déménagent selon un processus « d'extraction de ressources en matière de soins »9. Elles fournissent des soins sous-évalués et subventionnés, dans des foyers privés, à la campagne ou à la ville dans le même pays, dans des pays à faibles revenus ou à revenus élevés dans la même région, ou dans d'autres régions économiquement émergentes des pays du Sud, ou de plus en plus du Sud au Nord10. Elles laissent leurs familles derrière, envoyant de l'argent à leur place11. On parle de plus en [End Page 50] plus de cette dynamique élargie et fonctionnant sur plusieurs fronts comme étant la « chaîne mondiale de soins »12. Ces femmes doivent composer avec de multiples désavantages structurels associés aux déplacements du Sud au Nord, elles sont en proie à d'exigeants contrôles d'immigration et confinées à des formes...

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