- Europe de l'Ouest
Œuvres de création
Cadiot, Olivier. Un Mage en été. Paris: P.O.L., 2010. ISBN 9782818004784. 156 p.
Olivier Cadiot est né en 1956 à Paris. Écrivain, dramaturge et traducteur de l'œuvre de Gertrude Stein, il a été l'invité d'honneur du festival d'Avignon en juillet 2010. Un Mage en été, écrit pour cette occasion, est une sorte de monologue un peu fou, qui s'appuie ici et là sur des photographies, certaines célèbres, mais non reproduites dans l'ouvrage, d'autres très anodines, mais présentes dans le texte, et qui multiplient à plaisir les pistes de lecture. Comme le titre l'indique, le narrateur de ce texte est un mage qui se débat pour échapper à ses diverses réincarnations. Ce mage est doté d'un œil extraordinaire qui lui permet de voir ce qui est caché sous les apparences ou ce qui est enfoui dans le passé. La verve et la fantaisie d'Olivier Cadiot, déjà évidentes dans ses précédents ouvrages pour la scène, notamment Le Colonel des Zouaves (1997), Retour définitif et durable de l'être aimé (2001) et Fairy queen (2002), commandent ici l'évocation délirante des 'visions' et des 'voix' qui hantent le mage, y compris la voix féminine (maternelle) d'autrefois ou encore la voix de certains poètes disparus, de Frédéric Nietzsche à Alfred de Vigny dont un petit poème est inséré dans le texte mais lacéré (108–109). L'humour est aussi sensible dans cette métaphore de l'écrivain (le mage) et ses multiples avatars (les divers personnages) qui ne correspondent guère à la grande vision épique et romantique du 'mage' ou poète inspiré chez Victor Hugo mais plutôt au zapping télévisuel et au défilé de fantasmes psychoanalytiques. Le préambule évoque la photographie de Nan Goldin, Sharon in the river, "une femme au milieu de l'eau, […] immobile, comme ça, bras croisés" (9), puis au fil d'incessantes associations, digressions et divagations—de la dynamique des fluides à l'arrivée des vaisseaux normands sur la Seine au cours du haut Moyen-âge—, l'auteur revient en conclusion à la baigneuse, bouclant ainsi la boucle et justifiant son projet plus ou moins autobiographique de la façon suivante: "[…] c'est mon histoire dite par moi, avec l'intérieur et l'extérieur, et il n'y a plus cette ligne qui me coupe en deux" (154). À la dernière page du livre, le mage, "énorme et barbu" (156), se glisse à son tour dans l'eau froide pour y rejoindre sa muse. Ce monologue a ét...