Abstract

En tant que roman à la fois biographique et historique, à la croisée des trois voix de son auteur-narrateur—juive par filiation, occidentale par naissance, et antillaise par identification—, La Mulâtresse Solitude est une œuvre singulière dans le corpus littéraire caribéen. D'une part, le récit de l'histoire individuelle de Bayangumay et de sa fille Solitude permet celui de l'histoire collective des esclaves afro-caribéens. En d'autres termes, la micro-histoire de la généalogie diola dévoilée au lecteur par ces deux figures féminines devient en même temps constitutive et révélatrice de la macro-histoire du colonialisme et de la traite négrière. D'autre part, les origines identitaires franco-polonaises et non antillaises de l'auteur font du roman une œuvre syncrétique tout en posant la question de sa légitimité. Solitude incarne alors la double symbolique en tant que figure paradigmatique de l'essence antillaise et icône légendaire de l'esclavage, voire de la figure de la martyre universelle sous la plume schwarz-bartienne. Cette analyse préliminaire permettra d'appréhender le dessein humaniste de l'auteur. Enfin, une réflexion critique sur l'ambiguïté du projet littéraire d'André Schwarz-Bart dans sa globalité conclura cette présentation.

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