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  • Vraisemblances: poétiques et théorie de la fiction, du Cinquecento à Jean Chapelain (1500–1670)
  • Pascale Mounier
Vraisemblances: poétiques et théorie de la fiction, du Cinquecento à Jean Chapelain (1500–1670). Par Anne Duprat. (Bibliothèque de littérature générale et comparée, 79). Paris: Honoré Champion, 2009. 408 pp. Hb €75.00.

En écho à un ouvrage récent sur L'Idée de fable, Anne Duprat propose ici une étude des théories de la fiction élaborées dans l'Italie du seizième siècle. Si l'absence de consultation du travail de Teresa Chevrolet est regrettable, les deux livres se différencient sur certains points: Duprat s'intéresse au pan italien de la poétique jusqu'en 1611, date à laquelle paraît la version française de la Poétique de Daniel Heinsius, et elle établit une comparaison avec le domaine français du dix-septième siècle en se concentrant sur les écrits de Chapelain, qui s'étendent sur près de cinquante ans. L'étude porte d'abord sur la première génération de théoriciens italiens: environ cent quarante traités, énumérés dans une impressionnante liste en bibliographie, élaborent de 1490 à 1570 une défense de la fiction en lui assignant un domaine propre entre le vrai et le faux. En fonction de l'obédience qu'ils donnent à leurs arts — aristotélicienne, horatienne ou néo-platonicienne —, les auteurs conçoivent la poésie comme la mise en mots d'une vérité universelle, comme un procédé figuratif, dans la lignée, par exemple, de la métaphore continuée qu'est l'allégorie, ou comme la mise en intrigue d'un ensemble d'actions. Le critère de la réception leur permet cependant indifféremment de théoriser à nouveaux frais le principe de l'artifice fictionnel: le plaisir est toujours la pierre de touche d'une conceptualisation pragmatique de l'invention poétique. L'analyse se tourne ensuite vers les textes qui ont assimilé en profondeur la République de Platon et surtout la Poétique d'Aristote et qui, rédigés à partir de 1560, vont nourrir le classicisme français jusqu'en 1660. Ce sont avant tout les Discorsi de Torquato Tasso, qui ont pour particularité de fonder la possibilité d'un poème épique chrétien à la fois surprenant et édifiant; l'idée d'une fable admirable parce que présentant des événements impensables et des modèles épurés de comportements permet de démontrer la compatibilitédu merveilleux et du rationnel. Le vraisemblable, conçu comme un code idéologique partagé par l'émetteur et par le récepteur, en somme comme une convention culturelle, est penséà partir là pour lui-même: il apparaît comme un moyen de rendre acceptable pour l'esprit les affabulations de la poésie et de donner une utilité sociale aux genres dramatiques et narratifs. Dans ses diverses contributions àla définition de l'écriture littéraire, Chapelain reprend et adapte cette idée d'une conciliation possible de la raison et de l'imagination. La théorie de l'imitation qu'il élabore au fil de ses préfaces ou de ses dialogues constitue un point d'aboutissement du mouvement de rationalisation de [End Page 243] la fiction impulsé par la Contre-Réforme et de singularisation du discours poétique dans le champ du discours à visée persuasive. Le présent travail démontre ainsi l'avènement progressif d'une reconnaissance de la littérarité dans l'Occident moderne. Il aide à interroger la fiction en pointant les points de passage et les divergences qui existent entre les premières pensées de la fable et les théories en vigueur depuis quelques décennies — de Barthes et Ricœur à Genette, Cassin, Schaeffer et Lavocat.

Pascale Mounier
Université Lyon 2
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