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  • Les Babouches vertes: Une Grammaire de Tanger II, and: Méditations photographiques sur l'idée simple de nudité
  • Glenn Fetzer
Hocquard, Emmanuel. Les Babouches vertes: Une Grammaire de Tanger II. Marseille: cipM, 2009. ISBN 9782909097756. 37 p.
Hocquard, Emmanuel. Méditations photographiques sur l'idée simple de nudité. Paris: P.O.L., 2009. ISBN 978284682445-3. 93 p.

Comme Wittgenstein l'indique dans son Tractatus logico-philosophicus, le monde est composé de faits (1.2), ce qui est connaissable se livre au moyen de la syntaxe logique (3.33), et les lois logiques sont de nature tautologique (6.1). On conçoit dès lors l'équivoque pour lui, par rapport au sens et à son expression, car si un discours a un sens, celui-ci ne peut pas toujours être dit. Constitué de propositions aphoristiques, le livre de Wittgenstein vise à délimiter les critères du sens et les conditions selon lesquelles ces critères peuvent être exprimés. Tant par son ontologie que par sa syntaxe, ce philosophe du langage a établi en quelque sorte les fondements d'une écriture du langage naturel et ordinaire. Deux ouvrages s'inscrivent aujourd'hui peu ou prou dans cette lignée, Les Babouches vertes et les Méditations photographiques. Emmanuel Hocquard, auteur d'une cinquantaine de livres (poèmes mais aussi traductions, anthologies et éditions) publiés chez P.O.L., ainsi que chez d'autres éditeurs, conjugue esprit critique et imagination. Ses livres sont situés à cet endroit exact de l'intermédiaire et se tiennent toujours sur un certain seuil: que penser de la poïétique? Comment la penser? Et la penser est-ce la vivre? Telles sont les questions que soulève Hocquard.

Les Babouches vertes, dont le sous-titre Une Grammaire de Tanger II sert à marquer que ce livre constitue la suite des réflexions amorcées dans Une Grammaire de Tanger, publié en 2007, pose la question wittgensteinienne de la démarcation entre pensée et expression: "Que peut-on faire pour desserrer l'étau dans lequel le langage, tel qu'il est, gouverne et bride notre pensée?" (9). Composé de sept segments, plutôt que de chapitres à proprement parler, le livre passe en revue des concepts assez familiers au lecteur mais le fait de manière à déplacer [End Page 235] cette question. Ainsi, à propos du discours indirect, l'auteur souligne la fausse dissemblance dans la grammaire ordinaire entre discours indirect et direct, en constatant que le langage entier est indirect et "ne se contente pas d'aller d'un premier à un second, de quelqu'un qui a vu à quelqu'un qui n'a pas vu, mais va aussi d'un deuxième à un troisième, ni l'un ni l'autre n'ayant vu" (6). De plus, les passages intitulés "Quel discours direct?," "La Littéralité," "Littéralité et tautologie," "La Visée performative," "L'Énoncé performatif," et "Qu'est-ce qu'un énoncé simple?" esquissent et résument la trajectoire de la pensée du poète. En mettant l'accent sur l'énoncé rapporté, le poète s'engage dans un parcours destiné à neutraliser le discours indirect, parcours dont les stratégies reflètent plusieurs techniques d'écritures contemporaines, notamment le "cut-up" (Blaise Cendrars, Williams Burroughs, Olivier Cadiot), le "pick-up" (Denis Roche), et le "cut-off" (Robert Ashley), sans parler du jeu de langage qui est représenté par la copie, ou ce qu'Emmanuel Hocquard dénomme "la littéralité."

Hocquard a explicité les liens entre l'expérience de la pensée et la littéralité des choses dans des ouvrages récents tels que Dix leçons de grammaire (2002) et Ma haie: un privé à Tanger II (2001). S'inspirant de l'œuvre de Charles Reznikoff, Hocquard démontre de nouveau les jeux et les enjeux complexes de la littéralité en se référant au livre intitulé Témoignage par le poète américain. Dans Les Babouches vertes, on avance progressivement vers la tautologie, lorsqu'en évoquant la devise emblématique de son ouvrage Test de solitude: Sonnets (1998), l'auteur soulève dans "Viviane est Viviane" une autre...

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