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  • Pour une école laïque du peuple ! Instituteurs militants de l'entre-deux-guerres en France
  • Yves Verneuil
Jacques Girault .- Pour une école laïque du peuple ! Instituteurs militants de l'entre-deux-guerres en France. Paris, Éditions Publisud, 2009, 492 pages.

Les spécialistes s'accordent pour considérer les célèbres travaux de Jacques Ozouf sur les instituteurs de la « Belle Époque » comme relevant de l'histoire orale, même s'ils reposent sur des témoignages écrits. Jacques Girault revendique cette filiation. Dès les années 1970, au reste, il réalisa un travail similaire sur les instituteurs syndiqués du Var des années trente. Les résultats de ses enquêtes furent alors utilisés dans plusieurs travaux5. Par la suite, grâce à l'aide du SNI et de la MGEN, il a pu étendre son échantillon à l'échelle nationale et élargir son propos en posant des questions sur la spécificité professionnelle et l'idéologie du groupe social envisagé. C'est dire qu'il reste convaincu de l'intérêt des témoignages. Il complète d'ailleurs les témoignages écrits par des témoignages oraux. Il consacre une bonne partie de l'introduction à l'analyse de cette source et, surtout, vérifie les témoignages par l'examen des différents bulletins corporatifs, qui, avec d'autres archives écrites, permettent de préciser ou de compléter l'analyse. En résulte une véritable somme, qui fait pleinement revivre une profession dont l'auteur s'attache à montrer la diversité aussi bien que l'unité. Certes, les instituteurs dont l'ouvrage fait resurgir la mémoire sont d'anciens militants des syndicats d'enseignants, et il ne saurait être question, l'auteur y insiste, d'extrapoler à l'ensemble de la profession. Néanmoins le taux de syndicalisation des instituteurs est tel, à l'époque, qu'il y a fort à parier que les idées exprimées par les militants ne sont pas en complet décalage par rapport à celles de leur milieu.

Jacques Girault commence par décrire les caractéristiques sociologiques des militants (sexe, âge, profession des parents, situation matrimoniale des conjoints, etc.). Les femmes militantes sont nettement moins nombreuses (17 % de l'échantillon) que les hommes, alors qu'elles sont majoritaires dans la profession. Pour tous, l'accès aux fonctions d'instituteur a souvent constitué une promotion sociale. Les instituteurs peuvent d'ailleurs parvenir à une médiocre aisance, pour peu qu'ils cèdent à l'attrait des « mariages pédagogiques ». Il reste que « l'instituteur très tôt se distingue par sa voiture », qui lui permet de partir en vacances, mais aussi, éventuellement, de se rendre aux congrès syndicaux, où se nouent des liens d'amitié. Aussi bien ne séparent-ils pas leur découverte de la France de leur engagement. Ils sont d'ailleurs nombreux à s'engager dans l'aventure des auberges de jeunesse.

Le second chapitre est un regard sur « la profession », qui rappelle que l'on ne peut appréhender l'idéologie des instituteurs sans considérer la mémoire de leur identité professionnelle. Celle-ci s'est forgée notamment au sein des écoles normales, au fil d'une formation qui a donné des principes, mais n'a pas toujours préparé à affronter l'exercice professionnel dans une école de campagne à classe unique : ce [End Page 133] n'est pas d'aujourd'hui, en effet, que les enseignants débutants sont affectés dans les établissements les plus difficiles ! Le retour vers les bourgs, puis vers les villes est d'autant plus convoité qu'il facilite la vie militante et permet aux instituteurs de scolariser leurs enfants au lycée - alors même qu'ils orientent leurs élèves plutôt vers les écoles primaires supérieures - voie, pour le SNI, de la future « école moyenne ». De ce point de vue, toutefois, Jacques Girault montre que « évoluer vers le primaire supérieur signifie pour beaucoup s'éloigner de la mission de l'instituteur, l'éducation du peuple ». Cette mission éducatrice, l'instituteur militant s'y emploie en histoire, vidée de son contenu belliqueux, comme...

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