In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • 1830. Le Peuple de Paris. Révolution et représentations sociales
  • Thomas Bouchet
Nathalie Jakobowicz .- 1830. Le Peuple de Paris. Révolution et représentations sociales. Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2009, 363 pages. « Histoire ».

Il y a près de quarante ans, David Pinkney a consacré un chapitre de La Révolution de 1830 en France (1972, traduction française 1988) à l'identification du « peuple dans la Révolution ». Il a cherché à déterminer qui s'est battu sur les barricades, et pourquoi. Dans 1830. Le Peuple de Paris, Nathalie Jakobowicz témoigne de l'évolution des questionnements : elle aborde sous un tout autre angle le problème du peuple au temps des Trois Glorieuses. Attachée à saisir ce que l'événement a changé dans l'ordre des représentations, elle propose dans son ouvrage une analyse des imaginaires collectifs pendant l'année 1830.

Issu d'une thèse, ce texte très solide et très argumenté, lesté d'une bibliographie conséquente, repose sur un important corpus de sources. David Pinkney avait scruté le peuple en révolution aux Archives nationales, aux Archives de la Seine ou encore à la Bibliothèque historique de la ville de Paris (BHVP). Nathalie Jakobowicz, elle, a traqué les discours sur le peuple de 1830 dans les brochures et les journaux, mais aussi dans trois catégories de sources plus originales - mais de plus en plus fréquemment étudiées par les historiens : le théâtre (une quarantaine de pièces conservées à l'Arsenal et à la Bibliothèque Nationale de France) ; la chanson (environ soixante-dix titres et recueils à la BHVP et à la BNF), les images (plus de mille trois cents au total, à la BNF, à Carnavalet, aux Arts et Traditions populaires). La lecture méticuleuse et le traitement rigoureux des sources ainsi qu'un effort de mise en relation de leurs apports respectifs aident à mieux mesurer les évolutions qui affectent les représentations du peuple avant, pendant et après la Révolution de Juillet.

Le livre est construit en trois parties qui charpentaient déjà la thèse. Avant Juillet le peuple est perçu comme une entité hétérogène et vague, aux limites incertaines, indissociablement vertueuse et inquiétante (première partie : « Des classes populaires silencieuses ? »). La Révolution focalise et renouvelle les représentations dans un sens positif : le peuple est le héros de l'événement (deuxième partie : « Le peuple nation sur les barricades de Juillet »). Ensuite, pendant l'été et l'automne 1830, l'indistinction est de nouveau de mise et la dangerosité du peuple - ou d'une fraction du peuple - est soulignée dans de très nombreuses sources (troisième partie : « Les peuples de l'automne »). En d'autres termes, et pour reprendre les mots employés par Nathalie Jakobowicz, le peuple de 1830 est tour à tour « épars et silencieux, mythique, puis embarrassant » (p. 19).

Il n'est pas facile de déterminer le sens profond de ces évolutions : entre le système de représentations qui semble prévaloir au début de l'année 1830 et celui qui paraît l'emporter à la fin de cette même année, on repère des reconfigurations, mais aussi un certain nombre de continuités, tandis que l'héroïsation du peuple des barricades incite à s'interroger sur la place que tient l'événement dans les modulations des imaginaires collectifs. En outre, il n'est pas certain que les auteurs des écrits ou des images consacrés au peuple en 1830 incarnent à eux seuls les représentations des [End Page 121] « contemporains » (passim), catégorie passablement floue. Il n'en reste pas moins que l'histoire des représentations éclaire ici plusieurs facettes de l'histoire politique et sociale du premier XIXe siècle. Ainsi la « multitude », stigmatisée par Adolphe Thiers dans son discours pour la restriction du suffrage de mai 1850, est-elle déjà montrée du doigt aux lendemains des Trois Glorieuses - Le Journal des Débats évoque par exemple le 20 octobre 1830 les menaces que représente une « multitude égarée » (p. 303).

Le livre est...

pdf

Share