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Confusions familiales et déroutes incestueuses dans quelques romans du milieu du siècle: Caylus, Chevrier, Pernetti Jacqueline Chammas Plus d'un roman au XVIIIe siècle a exploité le tabou de l'inceste pour mettre en lumière les lacunes que la cohésion familiale peut accuser. Dans ceux de Anne-Claude-Philippe de Pesteis de Levis de Tubières-Grimoard, comte de Caylus, François-Antoine de Chevrier et Jacques Pernetti, les relations incestueuses viennent illustrer le danger que court la famille mal gérée, du fait de son organisation bâtie à l'image du régime royal, c'est-à-dire régie par le droit d'aînesse. En effet, les récits présentés ici imaginent une application de ce droit familial si stricte et si dénuée de sentiments qu'il en résulte une confusion dans les liens parentaux pouvant mener les membres de la famille à la déroute, voire au crime et à la mort. L'enfant qui a cette chance d'être l'aîné profite de tous les privil èges que la loi sur la famille lui accorde, mais qu'advient-il des autres, les cadets et les filles? Le sort des personnages des trois auteurs précités n'est pas enviable: ils sont malmenés par la vie qui leur est imposée et sont sujets à des pièges inattendus, le plus grave étant celui de l'inceste. Les cadets sont éloignés de la maison et dispersés en bas âge. Ils ne connaissent pas leur parenté directe que le hasard leur fait EIGHTEENTH-CENTURY FICTION, Volume 17, Number 3, April 2005 332 EIGHTEENTH-CENTURY FICTION rencontrer à l'âge adulte et que la voix de la nature les porte à aimer un peu trop. Incestueux involontaires, ils avouent être victimes de parents qui ont interprété impitoyablement un processus français traditionnel—non moins impitoyable—prescrit pourtant par la loi et approuvé par une Providence qui en punit les incartades et, pour utiliser l'expression de Robert Mauzi, qui « laisse l'homme démuni, privé de tout réconfort ».' Mais au-delà de la Providence, le coupable désigné, et que les malheureux invoquent, est la structure sociale de la famille qui, paradoxalement, sème la désorganisation au sein de cette même famille à cause d'un père ou d'une mère trop zélés. Les épreuves pénibles par lesquelles passent les héros—et qui se rapportent à un état réel des choses uniquement en ce qui concerne le droit d'aînesse, la loi n'accordant qu'à l'aîné le titre et la fortune— exposent les retombées d'un système porté à son excès sur l'échiquier de l'imaginaire romanesque. On y découvre les séquelles de ces secousses capables d'ébranler l'édifice familial: l'ignorance de leur identité propulse les incestueux au statut de personnages tragiques; la reconnaissance censée consolider d'heureuses retrouvailles s'avère destructrice; les filles, lorsqu'elles ne dépérissent pas, sont forcées de finir leursjours au couvent et les cadets sont voués à l'errance. Enfin, les victimes se révoltent contre la tyrannnie de leurs géniteurs lorsqu'au moment fatidique de la reconnaissance parentale, le crime des sentiments incestueux ou de l'inceste accompli est mis aujour. L'étude de quatre romans du milieu du siècle fait état de cette impossible quête d'intimité dont on suivra les étapes à travers le désarroi des personnages de Caylus (Soirées du boù de Boulogne), de Chevrier (Les Coupables innocens et Mémoires d'une honnêtefemme) et de Pernetti (L'InfortunéProvençal). Enfants écartés, familles effritées Les Soirées du bois deBoulogneont été imprimées pour la première fois en 1742.2 La « cinquième soirée » raconte l'histoire du comte de Crémailles, un cadet éloigné dès sa naissance de la maison familiale et placé chez une nourrice, puis à six ans chez les Barnabites de Montargis. À quatorze ans, il est présenté à ses parents; sa mère l'ignore totalement et ne porte d'int...

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