Abstract

In the mid-1990s, Côte d'Ivoire witnessed the rise of the ideology of ivoirité, a conception of citizenship based on autochthonous origins. Ivoirité was elaborated by a group of Ivorian intellectuals in the context of the political struggle opposing Henry Konan Bedié to Alassane Ouattara in the succession to the late President Houphouët-Boigny. Through the tactical use of the rhetoric of ivoirité, Ouattara was depicted by his adversaries as a 'Burkinabé' trying to rule the country. Going beyond this tactical aspect, the article addresses the ideological relations linking ivoirité to the 'project of an Ivorian liberal society' explicitly constructed by the same intellectuals. These relations contributed to the emergence, in the Ivorian public space, of a discourse establishing self-evident, hegemonic connections between notions like autochthony, modernity and nationality, on the one hand, and biopolitical concepts like population, immigration, security and resources on the other. The article uses two complementary perspectives to frame this emergent discourse. One focuses on the historical continuity of the political-economic strategies and population policies implemented by colonial governments and post-colonial elites. The other uses Giorgio Agamben's critical enquiry into citizenship and nationality to bring to light the implication of the ivoirité intellectuals in the construction of a national bios, and thus in the singling out of a paradigmatic form of bare life.

Au milieu des années 1990, la Côte d'Ivoire a connu une montée de l'idéologie d'ivoirité, une conception de la citoyenneté basée sur des origines autochtones. L'ivoirité a été conçue par un groupe d'intellectuels ivoiriens dans le contexte de la lutte politique opposant Henry Konan Bedié à Alassane Ouattara à la succession de l'ancien président Houphouët-Boigny. À travers l'utilisation tactique de la rhétorique de l'ivoirité, Ouattara était décrit par ses adversaires comme un Burkinabé cherchant à diriger le pays. Au-delà de cet aspect tactique, l'article traite des liens idéologiques entre l'ivoirité et le « projet de société libérale ivoirienne » construit explicitement par ces mêmes intellectuels. Ces liens ont contribué à l'émergence, dans l'espace public ivoirien, d'un discours établissant des rapports hégémoniques évidents entre des notions telles qu'autochtonie, modernité et nationalité, d'une part, et des concepts biopolitiques tels que population, immigration, sécurité et ressources d'autre part. L'article utilise deux perspectives complémentaires pour encadrer ce discours émergent. L'une traite de la continuité historique des stratégies politicoéconomiques et des politiques de population mises en œuvre par les gouvernements coloniaux et les élites post-coloniales. L'autre utilise l'étude critique de Giorgio Agamben sur la citoyenneté et la nationalité pour mettre en lumière l'implication des intellectuels de l'ivoirité dans la construction d'un bios national et par là-même dans la singularisation d'une forme paradigmatique de vie nue.

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