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  • Chairs incarcérées : une exploration de la danse en prison
  • Julie Lassonde
Sylvie Frigon et Claire Jenny Chairs incarcérées : une exploration de la danse en prison Montréal : Les éditions du remue-ménage, 2009, 186 p.

Le livre Chairs incarcérées : une exploration de la danse en prison de Sylvie Frigon, criminologue, et Claire Jenny, danseuse et chorégraphe, témoigne d'une expérience inusitée, soit la rencontre entre la liberté et la privation de mouvement. Les auteures décrivent des expériences de danse contemporaine en prison, dont plusieurs ont été entreprises par Claire Jenny. Ces divers projets de danse permettent à des détenues de se remettre en contact avec leur corps et à des artistes d'approfondir leur connaissance des contraintes imposées au corps. Que reste-t-il de ces expériences, après coup? Pour les détenues, peut-être Ie souvenir de moments de « dé-tension, » comme le dit si bien le titre d'une de ces créations en prison,4 ou encore l'estime de soi qu'a rebâti ce projet? Pour les artistes, une expérience humaine profondément émouvante qui nourrit leur œuvre, créée sur une période de plusieurs années, et dont ce livre est le prolongement.

La première partie du livre fait la revue d'ouvrages criminologiques sur le corps en prison, d'expériences de danse en prison et des tendances de la danse contemporaine. La deuxième partie raconte les expériences de création en prison, au Québec et en France, de la compagnie Point Virgule, cofondée par Claire Jenny. L'alternance entre le texte des auteures et les images du photographe Patrick Berger permet un engagement respectueux de la lectrice ou du lecteur à l'égard de l'expérience de la danse en prison, sans encourager le voyeurisme que pourrait susciter un tel projet. En effet, l'accent est mis sur l'art et, en lisant, nous comprenons que la retenue nécessaire à la création des pièces est tout aussi essentielle à leur appréciation.

Au-delà de l'ouverture à l'espace de la prison et de l'art contemporain, ce livre ramène la lectrice ou le lecteur à son propre corps et à l'enfermement vécu par plusieurs d'entre nous à l'intérieur de soi plutôt qu'à l'intérieur d'un espace comme celui de la prison. La comédienne Agnès Fréjabue, qui a participé à des projets de création en prison en France et au Québec, l'a bien senti:

À la limite, moi j'étais peut-être, dans la qualité de mouvements, plus proche des façons d'être coincée de certaines personnes qu'on a rencontrées en prison.

(p. 91)

Cette rencontre avec soi est peut-être l'une des expériences communes aux artistes et aux détenues vécues dans le cadre de ce projet.

La réflexion des auteures sur le genre est un autre aspect intéressant du livre. La culture de la prison valorise la masculinité; l'exclusion de la féminité étant en fin de compte une forme de condamnation Les détenues n'ont pas le [End Page 244] droit de porter de bijoux ou d'autres accessoires féminins. Leurs vêtements amples cachent leurs formes féminines. Le seul exercice physique qui leur est accessible est la musculation. Les prisons sont donc des manufactures de corps masculins. Cela fait contraste avec le monde de la danse qui, selon les choix artistiques, peut faire ressortir différentes formes de féminité, de masculinité ou encore diverses reinvéntions du genre. L'histoire de la danse a certainement sa part de torture du corps féminin, mais heureusement, plusieurs artistes de la danse ont contesté cette tendance au cours du dernier siècle5. Il est donc intéressant que la danse puisse devenir une source de liberté du corps pour les détenues autant qu'elle peut l'être pour les danseuses. Il s'agit d'une démarche importante pour continuer à remettre en question les contraintes sociales imposées au...

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