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Reviewed by:
  • L'humain isolé
  • André Carpentier (bio)
Louis Hamelin , L'humain isolé, Trois-Pistoles, Éditions Trois-Pistoles, coll. Écrire, 2006, 111 p.

Qu'on imagine Louis Hamelin, dans un séminaire ou dans un colloque, racontant avec bagout, au grand plaisir de ses lecteurs, des faits, des incidents, des coïncidences de sa vie, liés notamment à ses voyages à travers les Amériques et en France, relatant des rencontres, des coups de cœur, quelques répugnances ; puis, à la pause, replié dans un coin de la cafeteria avec des étudiants qui l'y ont suivi, prenant un café dans des pauses plus naturelles, soudainement, et confidentiellement, disant des choses importantes sur son propre rapport à l'écriture, sans céder aux discours à la mode du jour, parlant alors de lui-même et en son seul nom.

Voilà comment se présente L'humain isolé. Une suite de considérations sur certains épisodes de la vie de Louis Hamelin — j'ai lu cela ici, j'étais là-bas, avec celui-ci, celle-là —, des exposés qui, sur le coup, paraissent anecdotiques et ne semblent rien dévoiler de déterminant quant au travail d'écrivain, si ce n'est l'arrière-fond d'une passion pour le territoire des Amériques, ce qui n'est pas rien, et en particulier pour la culture et la société québécoises, « ma tribu », « ma vraie famille d'esprit », écrit-il. Les [End Page 118] choses les plus importantes de L'homme isolé, pour qui s'intéresse moins à l'individu qu'à l'écrivain et à l'écriture ( je rappelle que le livre est publié dans la collection « Écrire »), c'est tout le reste, disséminé ici et là, et parfois jusque dans l'anecdote, quand Hamelin parle en confidence de son rapport à la langue, au territoire, à l'écriture ; quand, s'étant mis dans l'esprit de passer outre à une certaine pudeur, il aborde de front sa propre posture d'écrivain. Je parle de ces pages où Hamelin, plus écrivain à son établi qu'auteur établi, seul au centre de sa démarche, ouvre jour à des données ouvertement subjectives sur sa double capacité de réaliser son œuvre et de penser sa pratique. Cela le conduit à saisir et à assumer sa manière d'être et de penser dans l'écriture. En lisant ce livre, nous entrons avec Hamelin dans un processus de construction imageante de lui-même en écrivain. L'humain isolé, en clair, nous permet de voir comment Louis Hamelin se considère lui-même en tant qu'écrivain.

Mais sans doute lui fallait-il d'abord retracer ses parcours et ses amitiés, clarifier son rapport à ses premiers modèles, pour en arriver, enfin, sans trop d'emphase mais avec conviction, à se prononcer sur des choses si essentielles. Louis Hamelin, ceux qui le connaissent le savent, a cette qualité de n'être pas sans pudeur quant à la question de ce qui le fonde en écrivain. Et j'insiste pour dire qu'à mon entendement, c'est une qualité que d'ainsi faire obstacle à un assentiment trop rapide aux idées faciles ou communes. Il y a tant d'écrivains qui acquiescent sans trop réfléchir à ce qui se dit communément, à ce qui apparemment, à une époque et en un lieu donnés, doit se faire sous peine de n'être pas légitimé. Ou de n'être pas commercial !

À ce propos, j'ai récemment entendu un chroniqueur de la radio française qui, commentant les difficultés du milieu de l'édition, donnait comme exemple les pauvres chiffres de vente d'un certain « écrivain commercial ». Qu'on parle d'un livre ou d'un roman commercial, va bien ; mais qu'on pousse l'audace — par métonymie — jusqu'à parler d'un « écrivain commercial » me semble symptomatique de la crise que traverse actuellement la culture occidentale, où on ne parle plus guère de cinéma, mais de l'industrie du cinéma, de peinture, mais du marché de la peinture, de littérature, mais du livre, etc.

L'humain isolé se compose de dix-sept chapitres d'en moyenne une demi-douzaine de pages. Hamelin y...

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