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Reviewed by:
  • La querelle de la camaraderie littéraire. Les romantiques face à leurs contemporains
  • Jeremy Worth (bio)
Anthony Glinoer , La querelle de la camaraderie littéraire. Les romantiques face à leurs contemporains, Genève, Librairie Droz, coll. Histoire des idées et critique littéraire, 2008, 252 p.

Comme l'affirme Anthony Glinoer dans la préface à son livre, l'histoire de la confusion « entre critique et promotion » qu'est la Querelle de la camaraderie littéraire (« cette controverse oubliée ») pourrait bien eˆtre « celle du romantisme tel que l'ont vu ses contemporains ». Glinoer réussit avec élégance et brio à amener son lecteur à travers les étapes et les pé riodes de cette histoire, analysant en grand détail et avec finesse un fonds riche de sources primaires dont il nous donne des textes (critiques, littéraires) intégraux. Cet ouvrage très complet et également lisible est donc le fruit heureux d'un vaste projet de recherche.

La démonstration réussit à faire valoir les pièges et les impasses qui caractérisent une querelle alimentée par « l'endogamie » inévitable entre la littérature, la presse et la critique pendant l'époque romantique. Puisque la « réunion cohérente et homogène d'écrivains » qui est le Cénacle constitue le foyer où une œuvre rencontre son « premier public et premier commentateur », l'écrivain se trouve, ensuite et bien évidemment, « l'obligé » reconnaissant de ses pairs. C'est une réalité qui ne peut que donner lieu aux accusations de connivence et de puffing (Stendhal) et donc à une atmosphère de méfiance, voire de haine à l'égard des cénacles romantiques - milieu idéal, bien sûr, pour la réception positive de l'article retentissant de Henri de Latouche, « De la camaraderie littéraire ».

L'analyse exhaustive des figures discursives et des tactiques de ce texte pamphlétaire constitue l'une des grandes forces du livre. Glinoer nous fait voir comment Latouche, en faisant appel « au bon sens » du lecteur, réussit à opposer une « face hideuse », celle de la « camaraderie » intéressée et prosélytiste, à l'image idéalisée qu'avait créé Sainte-Beuve du Cénacle romantique. S'y ajoutent une série de contributions polémiques qui font naiˆtre la notion d'une sorte de « sabbat des intelligences » et [End Page 171] qui font apparaiˆtre « une sorte de mauvaise conscience » dans les rangs romantiques eux-mêmes. Sainte-Beuve, émergeant comme « critique profond, subtil et sévère des communautés littéraires », regrettera quant à lui d'avoir « trop poussé à l'idée du Cénacle, en le célébrant », songera à la conservation de l'intégrité intellectuelle des groupes littéraires, et prônera enfin le principe des communautés littéraires plus larges : « familles d'esprits », « débarrassée[s] de toute contingence ».

Dans la seconde partie du livre, Glinoer décrit de manière particulièrement intéressante la carrière, et le rô le dans la querelle, de ce « premier critique à part entière » qu'était Gustave Planche, il démontre, par exemple, comment l'article de Planche, « De la haine littéraire », a contribué au portrait durable d'un Latouche méchant, jaloux et obsessif. C'est son propre caractère sévère qui fait de Planche lui-meˆme une figure curieuse, emblématique du critique littéraire : « Planche a largement contribué, avec Sainte-Beuve », affirme Glinoer, « à fixer la figure et le discours de la critique moderne et [. . .] à la propulser en plein centre du champ littéraire ».

Les derniers chapitres du livre traitent de la nouvelle génération et du Petit Cénacle, « lieu romantique marginal », qui ont suivi la Révolution de Juillet et la bataille d'Hernani : « les habitués de [l']appartement [de Hugo] de la rue Jean-Goujon puis de la place Royale ne sont plus, pour bonne part, ceux de la rue Notre-Dame-des-Champs ». Glinoer nous fait lire des textes exemplaires sortis de ce cénacle « jugé mineur » : une préface de Pétrus Borel, un poème de Philothée O'Neddy. « La date de dispersion du groupe reste dans une...

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