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  • Nouvelle 2008
  • Michel Lord (bio)

Si l'année 2008 n'a pas été faste côté nouvelle, reste que l'on y signale le retour remarqué de Claire Martin, de Jean-Pierre April et de Louis-Philipe Hébert. Une nouvelle voix a aussi fait son apparition, avec le premier recueil étonnant de Guillaume Corbeil, que le jury du prix du Gouverneur général a retenu comme finaliste, tandis que Louise Dupré a rassemblé en un premier recueil ses nouvelles éparses publiées en revue depuis presque deux décennies. Le reste de la production comble ou non les attentes, avec ses hauts et ses bas habituels.

Nous avons parmi nous une grande dame des lettres québécoises que j'appelle, avec le plus grand des respects, une Grande Ancienne, expression qui n'a rien à voir avec les créatures de H. P. Lovecraft, sinon pour son caractère extraordinaire. Voici donc un destin remarquable qui n'a pas fini de nous étonner. Claire Martin a publié son premier livre en 1958, un recueil de nouvelles devenu un classique de la nouvelle et de la littérature québécoises, Avec ou sans amour. Puis dans les années 1960, elle a fait paraître des romans que l'on définirait maintenant comme des biofictions, marqués qu'ils étaient par une enfance douloureuse avec un père difficile, impossible. Sa voix semble presque s'éteindre en 1972 après une pièce de théâtre, puis, en 1973, une brève nouvelle auto-biographique, La petite fille lit, reprise dans le recueil de nouvelles, Toute la vie (1999) qui, plus d'un quart de siècle plus tard, marque son retour à l'écriture ou du moins à la publication. Depuis dix ans, elle a fait paraître coup sur coup, quatre romans et un essai. Cinquante ans exactement après son premier recueil de nouvelles, elle revient avec son troisième, que la page de titre donne comme une série de récits, donc des « nouvelles » encore marquées par son propre passé. La dame, née en 1914, donc à 95 ans, écrit toujours avec la même finesse et surtout la même vigueur qu'autrefois. Il y a là quelque chose de réjouissant, même si les nouvelles ou les récits sont loin de faire dans la comédie.

Dans le texte éponyme, « Le feu purificateur », la narratrice revient sur les lieux de sa jeunesse. Il ne reste plus rien, tout à brûlé. Elle trouve un couteau et la boule d'un escalier, ce qui la met sur la piste d'une mort mystérieuse dans cette maison. Commencé par une visite des lieux dévastés, le discours bifurque sur une rencontre avec un jeune [End Page 15] chroniqueur qui veut écrire un article sur les vieilles demeures disparues, dont celle où a vécu la narratrice. Le tout charrie des détails sur l'époque du début du XXe siècle et sur les gens, les hommes pour qui la narratrice n'a pas une grande admiration. Elle emploie « le mot pithécanthrope ou anthropopithèque» (en italique dans le texte) pour désigner notre belle espèce qui massacre tout. Suit « Éloge de la marche », un récit curieux où la narratrice trouve au hasard d'une promenade une enveloppe non identifiable contenant un mot et deux vieux (faux) billets de cent dollars. Cela la conduit à mener une enquête qui ne va toutefois pas très loin, puis à parler de choses et d'autres qu'elle voit ou auxquelles elle pense en cours de promenade. Elle rencontre aussi des amis avec lesquels elle a une conversation à bâtons rompus. Enfin, « Sacrée Pauline » raconte d'étrange façon la vie de Pauline, cousine de la narratrice, qui se décrit comme relativement simple en comparaison de cette cousine plutôt snob, qui reçoit le grand monde, voyage, puis disparaît un temps en Europe pour revenir enceinte et mourir des suites de l'accouchement.

L'ensemble du recueil est à la fois coulant et agréable à lire, en raison de la finesse de l'écriture...

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