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  • Flagging the nation:la traduction de la littérature pour la jeunesse chez La Galera (1975-2004)
  • María Sierra Córdoba Serrano (bio)

Les mythes autour de l'universalité et de l'internationalisme ont prospéré dans le domaine de la littérature pour la jeunesse avec plus d'acuité que dans d'autres domaines. Le présent article vise néanmoins à les remettre en question en montrant la dimension « utilitariste » nationaliste que peut revêtir la traduction de la littérature pour la jeunesse. À partir de l'analyse de la fiction québécoise pour la jeunesse traduite en Espagne, en espagnol et en catalan, entre une date clé de l'histoire contemporaine espagnole, 1975 (la fin de la dictature franquiste) et 2004, nous montrerons le rôle de cette littérature et de sa traduction en tant qu'instruments pour rejoindre idéologiquement les visions et les projections de la nation, non seulement les visions de la société source, mais également celles de la société cible. Pour ce faire, nous emprunterons l'appareil conceptuel de la sociologie des champs de Pierre Bourdieu.

Nous présenterons dans un premier temps un survol du sous-champ de la littérature de la jeunesse au Québec, puis nous nous concentrerons sur l'exportation de cette littérature. Par la suite, nous survolerons très brièvement le corpus de la fiction québécoise pour la jeunesse traduite en Espagne, pour ensuite nous pencher sur un cas d'étude concret, soit les traductions catalanes d'ouvrages québécois publiés par la maison d'édition catalane La Galera.

Le sous-champ de la littérature québécoise pour la jeunesse

La littérature québécoise pour la jeunesse constitue depuis la fin des années 70, mais surtout depuis le début des années 80, un sous-champ littéraire à part entière qui fonde sa spécificité sur l'âge de ses destinataires: ce dernier possède ses acteurs spécifiques, ses maisons d'édition, ses revues, ses prix, ses « classiques », etc.

À mi-chemin entre les sphères pédagogique et littéraire, la littérature pour la jeunesse (désormais LJ) est généralement considérée comme un sous-champ [End Page 113] dominé qui n'appartient pas à la « vraie littérature ». Comme le dit Le Brun (45), même si elle est diversement reconnue selon les pays et les cultures, « l'écriture destinée aux jeunes lecteurs consacre rarement un auteur ».

Au Québec, en particulier, où la production pour la jeunesse représente un pourcentage important de la production éditoriale,1 les auteurs de ce sous-champ se plaignent de l'attitude condescendante de la critique littéraire à leur égard et de leur manque de visibilité. Le discours que l'on trouve dans les pages de la revue Lurelu, vouée exclusivement à la promotion de la littérature québécoise pour la jeunesse, en offre une belle illustration: elle présente clairement un discours d'autolégitimation et de défense qui insiste sur les difficultés spécifiques de cette écriture et qui remet en question les préjugés selon lesquels cette littérature serait plus facile, en plus de n'être parfois qu'un simple rite de passage pour l'écrivain qui veut accéder au champ littéraire général.

Si les agents de ce sous-champ sont généralement dépourvus de capital symbolique, il en va autrement pour le capital économique. Selon Le Brun, « La littérature québécoise pour la jeunesse est la littérature la plus lue, si l'on en croit les chiffres de vente et de prêt » (60). En 1993, dans un article de la revue Lurelu, Suzanne Thibault montrait avec complaisance l'évolution positive de ce secteur: « Voilà dix ans, seuls les audacieux se lançaient en littérature de jeunesse; aujourd'hui c'est un marché viable, très viable, presque un impératif. Pourquoi? Les libraires vous le diront: les jeunes Québécois lisent des romans québécois, contrairement à leurs aînés » (Thibault 10). Au nombre...

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