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French Forum 27.2 (2002) 149-151



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Pierre Laforgue, Romanticoco. Fantaisie, chimère et mélancolie (1830-1860). Saint-Denis: Presses Universitaires de Vincennes, 2001. 246 pp.

Le titre, Romanticoco, pourra surprendre, voire agacer. Il désigne en fait un élément capital qui donne une réelle cohérence à l'ouvrage: la part du divers, du bariolé, ou pour le dire autrement de l'autre (ou encore de l'ailleurs) sous toutes ses figurations, à l'œuvre dans le romantisme. Ce divers n'est pas simple fragmentation éparse et brouillonne, pas plus que l'ailleurs n'est simple détour pittoresque, mais bien une configuration signifiante, de nature mélancolique, dessinant le lieu d'une vacance que P. Laforgue nomme la "chimère." C'est à l'exploration des fonctionnements textuels de cette configuration que l'ouvrage, distribué en trois parties, est dédié.

La première affronte la question du sens et de son retrait. P. Laforgue examine ainsi le sentiment général de défaut et de retrait du sens après la terrible décompression d'être de 1815, et l'effondrement du symbolique qui l'accompagne. Face à un ici d'où le sens s'absente, l'Orient se dresse comme un espace imaginaire où peut se réinvestir la question du sens. L'Orient, figure de l'autre et de l'ailleurs, lieu d'une immanence du sens, devient alors pour les romantiques un espace critique où penser ce qui n'est pas formulable. Il en va de même pour le motif des bohémiens. P. Laforgue montre ensuite comment, une fois l'Orient disparu de la scène littéraire vers 1850, il demeure comme référence absente, sur un mode métaphorique et symbolique, dans les poétiques mêmes qui sont mises en jeu, chez Nerval par exemple, dans une écriture qui ménage en elle-même les espaces d'un ailleurs et d'une dérive où le sens sans cesse se fait et se défait.

La deuxième partie ("Poétiques") montre que les poétiques romantiques ont en commun d'élaborer dans le divers leur relation à l'écri-ture. Les textes interrogés ici ont donc tous une dimension méta- poétique. C'est d'abord la "pensivité" à l'œuvre dans La Femme de trente ans qui retient P. Laforgue. Il montre que sa représentation hésite entre trois modes—romanesque, pictural et poétique—hésitation qui [End Page 149] constitue en elle-même, par l'espace réflexif sur l'écriture qu'elle induit, une "poétique de la mélancolie". Dans Illusions perdues, le divers se concentre dans l'hésitation dynamique, presque dialectique, entre prose et poésie. Le divers, c'est aussi la fantaisie, le caprice, l'espace chimérique de la deuxième des Lettres d'un voyageur de Sand qui, dépassant le chromo vénitien, introduisent une modalité rêveuse de la réalité. P. Laforgue montre enfin, et brillamment, comment le divers et sa configuration/reconfiguration s'inscrit dans le détail même de la textualité de La Nuit de Mai ou de La Flûte, et conduit à une interrogation sur le poétique dans ses rapports à une tradition stéréotypée (Musset) ou à un projet de poésie philosophique (Vigny).

La troisième partie ("Alibis") envisage les quatre livres d'histoire naturelle de Michelet comme ailleurs de l'histoire, ailleurs auquel Michelet donne sa formulation conceptuelle sous le nom d'alibi. P. Laforgue montre qu'il ne s'agit pourtant pas d'une fuite hors de l'histoire. Bien au contraire. Il s'agit en quelque sorte d'éprouver l'histoire par l'histoire naturelle, de réoriginer celle-là par celle-ci. A un moment où, sous le second empire, l'histoire semble arrêtée ou en défaut, l'idéal que peut représenter l'oiseau (L'oiseau), la réflexion sur la socialité que permettent les diverses sociétés d'insectes liant exemplairement le politique et le...

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