In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • La dégénérescence du Liban ou la réforme orpheline
  • Candice Raymond
Ahmad Beydoun .- La dégénérescence du Liban ou la réforme orpheline. Arles, Actes Sud, 2009, 172 pages. « L'actuel ».

Que l'on ne se fie pas à la brièveté de l'essai, car il s'agit là d'un livre dense qui « contient les aboutissements d'une très longue réflexion ». Tiré d'une série de conférences au Collège de France reprenant la substance d'une contribution au Rapport du PNUD sur le développement humain au Liban, le dernier ouvrage d'Ahmad Beydoun marque en effet le temps de la synthèse pour le sociologue libanais. Mais il constitue, tout autant que la synthèse des réflexions d'un des plus brillants universitaires de sa génération, la contribution politique d'un intellectuel dont le parcours est marqué par un sens aigu de la responsabilité du penseur dans la Cité. Or cette contribution intervient dans un contexte de crise profonde du système politique libanais. Au-delà des aspects les plus conjoncturels et les plus médiatisés de la situation de crise politique, institutionnelle et sécuritaire qui secoue le Liban depuis l'assassinat, en 2005, de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, Beydoun cherche à rendre de la profondeur historique à un phénomène, le communautarisme politique, qui constitue pour lui le véritable moteur de cette dynamique du pire donnant son titre à l'opuscule : « la dégénérescence du Liban ». Le constat de crise innervant l'ensemble de la réflexion prend ainsi l'allure d'un cri d'alarme et d'une salutaire piqûre de rappel, tant la déconfessionnalisation du régime politique, serpent de mer de l'histoire contemporaine du Liban, semble avoir disparu des revendications politiques au cours des dernières années. S'insurgeant contre une certaine forme de fatalisme, et encore davantage contre les discours faisant de nécessité vertu, Ahmad Beydoun propose, d'une part, une analyse sans concession du triomphe du communautarisme libanais et de l'impasse mortifère dans laquelle ce succès historique a mené le pays. Il en tire, d'autre part, une série de recommandations devant conduire à la mise en place d'un régime véritablement démocratique fondé sur le principe de citoyenneté.

Le premier temps de la démonstration consiste en une réfutation des accusations de consécration du communautarisme faites à l'encontre du Document d'Entente Nationale (adopté en 1989 dans le cadre des accords de Taëf ayant permis de mettre fin à la guerre, il a été intégré in extenso dans le préambule de la Constitution libanaise en 1990). Il s'agit pour Beydoun de montrer, au contraire, que le principe de citoyenneté est au coeur du Document comme il le fut déjà dans celui de la première Constitution du Liban contemporain, en 1926. Les dispositions constitutionnelles et juridiques qui contredisent cet « esprit » de la Constitution ont trait au système politique (communautarisme politique) et à la gestion du statut personnel et de l'enseignement (communautarisme civil). Ces dispositions ont en commun d'être présentées comme non-exclusives d'un système de droit commun, pour ce qui est du civil, et comme des pis-aller temporaires, pour ce qui est du politique. Concernant ces dernières, l'accord de Taëf va jusqu'à programmer leur démantèlement, dont il prévoit les étapes et instruments. Ce n'est donc pas, selon l'auteur, à la Constitution, ni même au Pacte national de 1943, mais plutôt à une « conduite démissionnaire de l'État » et à une « insoutenable légèreté dans le traitement de la Constitution » [End Page 141] qu'il faut attribuer la pérennisation de ces dispositions et l'approfondissement de l'emprise communautaire sur le système politique comme sur les citoyens. Car, dans le même temps, l'institutionnalisation progressive des communautés, qui dominent globalement les appareils politiques, leur a permis de s'offrir comme alternative au processus de construction nationale métacommunautaire. Ces communautés, tendant à l'autarcie, limitent...

pdf

Share