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Reviewed by:
  • Death in the Haymarket. A story of Chicago, the first labor movement and the bombing that divided gilded age America
  • Danielle Tartakowsky
James Green .- Death in the Haymarket. A story of Chicago, the first labor movement and the bombing that divided gilded age America. New York, Pantheon Books, 2006, 383 pages.

C'est en 1987, non en 1989 ou 1990, que certaines organisations ouvrières choisirent de célébrer le centième anniversaire du 1er mai, en Amérique latine d'abord mais de manière non exclusive13. Elles s'inscrivaient ainsi dans une longue tradition qui tient les événements advenus à Haymarket le 4 mai 1887 et leurs conséquences tragiques pour fondateurs de cette grande tradition ouvrière, tandis que des organisations plus nom-breuses, dans la mouvance social-démocrate en premier lieu, leur préfèrent le congrès de Paris de juillet 1889 ou le premier Premier mai advenu en 1890 selon ses directives à l'échelle internationale.

James Green, qui est professeur d'histoire ouvrière à l'Université du Massachusetts, revient ici sur l'histoire et même sur la préhistoire de ce premier mai tragique de 1887 et nous livre un récit documenté et souvent chargé d'émotion sur les premiers pas du mouvement ouvrier dans le Chicago des années 1860 à 1890, sur la ville et ses industries en plein essor, sur la population cosmopolite qui débarque dans la patrie d'Abraham Lincoln, chargée des espoirs qu'il sut susciter. Cette métropole industrielle, centre du mouvement socialiste aux États-Unis, devient en 1883 le berceau de l'International Working People's Association, dite "internationale noire", créée par les anarchistes, allemands et polonais en premier lieu, et dirigée par Parsons et Spies qui s'attachent avec succès à gagner les travailleurs de langue anglaise. En 1885, la Central Labor Union, son prolongement syndical, engage l'action pour la journée des 8 heures. Les grèves se multiplient. L'explosion d'une bombe lors d'un meeting tenu à Haymarket le 4 mai 1887 (dont on sait aujourd'hui qu'elle fut le fait d'un provocateur) servira de prétexte à l'arrestation de tous les leaders anarchistes de Chicago, dont neuf seront pendus au terme d'un procès rapide et inique. Elle va permettre d'écraser le mouvement ouvrier en voie de radicalisation au profit de l'American Federation of Labor, fondée en 1886, et constitue à plus d'un titre un tournant d'ampleur : les événements survenus à Chicago contribuent à construire la figure de l'étranger comme menace. Ils constituent à ce titre une des matrices de l'affaire Sacco et Vanzetti et modifient l'image des États-Unis aux regards de ceux qui la tenaient pour l'image entre toutes de la liberté et qui soudain lui découvrent un nouveau visage : celui de la lutte de classes exacerbée.

Le lecteur français familier de l'histoire sociale et des mutations qu'elle a connues depuis une trentaine d'années sera d'abord un peu surpris par un ouvrage dont la facture demeure d'un grand classicisme. Ce serait oublier que cet événement, dont James Green rappelle qu'il demeure ancré dans la mémoire historique de bien des organisations dans le monde, a subi un effacement mémoriel aux États-Unis, obligeant à chaud comme à froid ceux qui voulaient en entretenir la mémoire à des combats. Le Premier mai, devenu quasi universel et qui doit à ces mouvements américains initiateurs du combat pour les 8 heures, quand bien même le rôle décisif du congrès de Paris est indéniable, n'est célébré aux États-Unis que par des minorités radicales dont James Green montre avec quelles difficultés elles ont tenté et tentent encore de préserver la mémoire de Haymarket. Jusqu'à avoir été proclamé en 1955 en pleine guerre froide Law day dans de nombreux États, puis Loyalty day dans tout le pays par décision présidentielle. Les pages les plus originales de l'ouvrage sont, au demeurant, celles dans lesquelles James Green évoque ces batailles durables...

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