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  • Les racines du socialisme de Louis-Napoléon Bonaparte. Le paupérisme des années 1840
  • Thomas Bouchet
Jean Sagnes .- Les racines du socialisme de Louis-Napoléon Bonaparte. Le paupérisme des années 1840. Toulouse, Privat, 2006, 246 pages.

« La richesse d'un pays dépend de la prospérité de l'agriculture et de l'industrie, du développement du commerce intérieur et extérieur, de la juste et équitable répartition des revenus publics », écrit Louis-Napoléon Bonaparte au seuil du premier chapitre d'Extinction du paupérisme, une brochure qu'il publie chez Pagnerre en 1844, tandis qu'il est détenu au fort de Ham pour haute trahison. Jean Sagnes a eu la bonne idée de consacrer son attention à cet écrit peu connu, qu'il reproduit intégralement dans la deuxième partie de son ouvrage (p. 89-126). Une première partie intitulée « Le paupérisme en question » fixe en quatre chapitres les grandes lignes du contexte : « la crainte et la compassion » face au paupérisme, « les solutions des philanthropes », « la reconnaissance de 'l'exception ouvrière' » par les socialistes et enfin « la genèse d'Extinction du paupérisme ». La troisième partie consiste en une analyse des propos de L.-N. Bonaparte et se déploie elle-même en trois temps : « pourquoi intervenir en faveur de la classe ouvrière » ; « les solutions : le rôle de l'État, de l'association ouvrière, des prud'hommes » ; « la classe ouvrière a des droits et un avenir ». La quatrième partie prolonge le travail de mise en perspective : Jean Sagnes y présente un autre texte de Bonaparte, un projet à double détente – construction et colonisation –, publié d'abord en anglais (1846) puis en français (1849, dans la Revue britannique) : Le Canal de Nicaragua ou projet de jonction des océans Atlantique et Pacifique au moyen d'un canal.

Depuis Le Midi rouge, mythe et réalité (1982), Jean Sagnes s'est notamment fait connaître par ses travaux sur le socialisme, le syndicalisme et le mouvement ouvrier français. Avec ce nouveau livre il aborde le socialisme du premier XIXe siècle sous un angle inhabituel. Il s'emploie à démontrer, comme il l'indique dans son introduction, qu'Extinction du paupérisme est « le texte fondateur du socialisme louis-napoléonien » (p. 15). De fait, l'écrit de 1844 est un jalon important pour comprendre les idées de l'homme qui devient président de la République en 1848 et empereur en 1852 ; il a effectivement une dimension sociale souvent passée sous silence parce qu'elle gêne les opposants à l'homme du Deux-Décembre ; il permet de mieux comprendre un bonapartisme populaire bien enraciné dans la France du XIXe siècle. L'étude menée par Jean Sagnes prouve en outre que la brochure ouvre sur deux problèmes décisifs, très liés l'un à l'autre : l'identité du socialisme dans le premier XIXe siècle, la nature de la « question sociale ». [End Page 157]

Nul doute que les idées socialistes du premier XIXe siècle se caractérisent par leur extrême diversité. Mais ce foisonnement inclut-il les « idées napoléoniennes » (c'est là le titre d'un ouvrage publié par L.-N. Bonaparte en 1839) ? Si Extinction du paupérisme témoigne de la ferme volonté d'« améliorer le bienêtre de la classe ouvrière » (avant-propos, p. 91), il ne s'agit pas là, pour autant, d'un appel à réformer la société en profondeur. Certes, Bonaparte trouve dans le saint-simonisme des éléments de réflexion qu'il remobilise ensuite. Il signale et dénonce des abus criants, il critique l'injuste répartition de la fortune publique, il se dit convaincu qu'une « classe intermédiaire » – un « corps de prud'hommes » – favoriserait la concertation sociale, il propose l'établissement de colonies agricoles pour mettre en valeur les terres incultes et pour enrayer, en faveur des plus pauvres, le morcellement de la propriété. Il se place à bonne distance...

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