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Reviewed by:
  • Nerval et l'opéra-comique: Le dossier des Monténégrins
  • Léo Tertrain
Brix, Michel, and Jean-Claude Yon . Nerval et l'opéra-comique: Le dossier des Monténégrins. Namur: Presses Universitaires de Namur, 2009. Pp. 277. ISBN 978-2-87037-608-9

Sans doute le choix de réaliser un dossier aussi riche que celui que Michel Brix et Jean-Claude Yon nous proposent sur Les Monténégrins peut-il de prime abord paraître [End Page 310] quelque peu surprenant, au moins pour les non-spécialistes de Nerval. La pièce est méconnue, notamment parce qu'elle n'obtint qu'un succès relatif à l'époque de ses premières représentations en 1849, et qu'elle ne fut plus montée après une brève reprise en 1858. Cette œuvre de Nerval doit par ailleurs l'obscurité qui l'entoure au fait qu'elle n'est justement pas uniquement de Nerval, mais le fruit d'une collaboration avec le compositeur Armand Limnander et l'auteur de mélodrames Edouard Alboize (ce qui explique que Les Monténégrins ne soit pas inclus dans les œuvres complètes rassemblées par la Bibliothèque de la Pléiade). Pour aggraver encore les choses, le texte des Monténégrins effectivement représenté sur scène ne fut jamais celui produit par cette collaboration initiale, mais le résultat d'un complet remaniement auquel eut part l'auteur dramatique Gabriel de Lurieu. Cette démultiplication de l'instance auctoriale eut pour effet de repousser toujours plus loin dans l'ombre la poésie et le prestige attachés à la plume de Gérard.

Les auteurs de Nerval et l'opéra-comique ont néanmoins jugé utile de s'intéresser de près à cette apparente "marge" de l'œuvre nervalienne et leur jugement s'est avéré très judicieux à plusieurs titres. D'abord parce que le document par eux ramené à la lumière du jour, à savoir la copie manuscrite de 1848 des Monténégrins dans laquelle le livret (imprimé) de la pièce effectivement représentée trouva son origine, témoigne d'une grande affinité avec le reste de l'œuvre nervalienne. La version remaniée à la demande du directeur de l'Opéra-Comique, une fois mise en regard avec le texte original comme le permet l'ouvrage de Brix et Yon, apparaît à l'inverse comme une copie très pâle et terriblement dégradée. A la différence de ce texte convenu, la première version de la pièce développe de nombreux thèmes (notamment l'oscillation entre la vie et la mort, la résistance au pouvoir autoritaire) et personnages (en particulier la femme aimée revenante, fantomatique) qu'il faudra désormais prendre en compte dans l'analyse des textes "canoniques" de Nerval.

Si Nerval et l'opéra-comique est un dossier passionnant sur les Monténégrins, c'est aussi parce que ses auteurs ont choisi de le construire non seulement en dépit des obstacles que la pièce a rencontrés dans son accès à la scène parisienne mais plus précisément à partir d'eux. L'adoption de cette perspective originale a transformé des inconvénients apparents – les multiples aléas dont est victime le projet de monter Les Monténégrins à l'Opéra-National puis à l'Opéra-Comique – en occasions de faire l'histoire de la dépossession et de l'altération d'une œuvre sous l'effet de pressions économiques et institutionnelles. En suivant l'"épopée" tumultueuse de cette pièce qui la mène finalement à sa représentation, le lecteur de l'ouvrage de Brix et Yon peut de ce fait observer une reconstitution méticuleuse et pertinente du milieu des théâtres lyriques parisiens au tournant des années 1840–50, et des difficultés auxquelles celui-ci dut faire face suite à la chute de la monarchie de juillet et l'instauration de la Seconde République.

C'est à ces deux niveaux – en tant que réhabilitation d'un élément n...

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