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Reviewed by:
  • L'Art de l'équivoque chez Laclos
  • Laurence Mall
L'Art de I'équivoque chez Laclos. By David McCallam. Geneva: Droz, 2008. 176 pp. Pb SwF 87.05; €64.52.

L'annonce d'une étude de plus consacrée aux Liaisons dangereuses de Laclos pouvait faire soupirer. Qu'on respire: le livre de David McCallam est original et important. Il y [End Page 89] dépoussière d'anciennes thématiques pour les approfondir; il rouvre le texte à son contexte socio-culturel sans retomber dans les ornières marxisantes; il abandonne gaillardement des questions si ressassées qu'elles en étaient devenues stériles (Laclos dans son roman est-il l'apôtre du mal? Est-il féministe ou anti-féministe?). Tout en reconnaissant d'importants prédécesseurs, il dégage le roman de son épaisse gangue critique pour stimuler à son égard des regards neufs et de nouveaux intérêts. L'ètude se présente comme une série d'essais analytiques, plusieurs explorant différents conceptsclés: choix de construction judicieux, Les Liaisons requérant la plus grande agilité herméneutique. On commencera par la fin: deux essais biographiques concluent l'ouvrage, qui s'efforcent de cerner le 'génie laclosien —tactique, féminisé, subalterne' (p. 163) à partir des divers emplois et activités politiques de l'homme Laclos. On y lirait une relation problématique avec le patriarcat. Les cinq premiers chapitres, eux, sont thématiques. Dans le premier sont développés les mécanismes et les implications du secret, éthiquement douteux mais éminemment fécond dans une fiction épistolaire. Une analyse des perversions de la promesse, acte performatif par excellence, lui succède: pourquoi tant de promesses sont-elles destinées à n'être pas tenues? C'est qu'aucune autorité symbolique ne vient garantir la parole sociale déviée par les libertins. Au seul dénouement sera (extratextuellement) restaurée la Loi du Père. McCallam propose ensuite une lecture philosophique du roman, non pas en termes d'influences d'idées (rousseauistes, matérialistes, etc.), mais en examinant les modalités du désir rapportés à des modes grammaticaux –définissant une attitude du locuteur face au monde. Ainsi, à Merteuil, le Vouloir, à Valmont, le Pouvoir, le Devoir à Tourvel etc. Dans la dynamique de la fiction ainsi considérée se retrouve l'un des projets majeurs des Lumières: l'intelligence de la constitution du sujet dans l'interaction du savoir, du pouvoir et du devoir. Le classique problème du mal est ensuite abordé, mais ici sous l'angle du danger et de la dangerosité. Quelle sorte de danger les libertins affrontent-ils, et surtout en quoi précisément sont-ils dangereux? Entre les modèles essentialistes du christianisme en amont (le mal comme péché) et de la psychiatrie en aval (le mal comme pathologie), Laclos situerait plutô sa réponse dans le domaine socio-économique: la culture du risque (financier et symbolique) où évoluent les aristocrates du siècle finissant trouve dans la pratique à haut risque de l'épistolarité (où nuire peut toujours vouloir dire se nuire) un déploiement de prédilection. Finalement, dans le dernier chapitre thématique est exploré le voile, qui protège (stimule, révéle) le désir et surtout le désir du dévoilement. Or dans Les Liaisons le dévoilement est fatal: il ne cache jamais que la mort. C'est pourtant de ce désir – de lucidité absolue en version libertine, de transparence totale en version sentimentale – que vivent les grands personnages du texte. Bref, voici une lecture hautement recommandée: comme son objet, le livre de McCallam est rigoureux, élégant, et d'une grande intelligence.

Laurence Mall
University of Illinois at Urbana-Champaign
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