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  • Art, luxe et industrie. Bianchini-Férier, un siècle de soieries lyonnaises
  • Thierry Maillet
Pierre Vernus . – Art, luxe et industrie. Bianchini-Férier, un siècle de soieries lyonnaises. Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 2007, 431 pages. Préface d'Yves Lequin. « Histoire industrielle ».

« Une nouvelle génération d'industriels accepta l'évolution tendant à faire d'une industrie raffinée une industrie de grande consommation »5. L'historien François Caron pouvait voir dans la création de la société Atuyer-Bianchini-Férier, le 1er décembre 1888, la meilleure illustration de son constat. En 1914, la petite entreprise était devenue, « un groupe régional, industriel et commercial à implantation internationale. Elle appartenait à l'élite de sa branche et jouait un rôle de premier plan dans le renouvellement des orientations de la mode et de la production de soieries lyonnaises ». Les cent années de l'entreprise Bianchini-Férier (1888-1992) se confondent donc avec les histoires de la mode, de la deuxième révolution industrielle et de leurs conséquences respectives sur la vie d'un territoire (la région lyonnaise). Lorsque l'entreprise est créée, la haute couture est balbutiante – Worth démarre son activité en 1873 –, l'industrialisation des processus de fabrication dans la soie est faible et l'idée même de classes moyennes apparaît comme une hérésie. L'entreprise Bianchini-Férier semble ainsi correspondre aux caractéristiques du «vieux dualisme » de l'industrie française pour reprendre la formule de François Caron et Jean Bouvier 6. La démarche retenue par Pierre Vernus, maître de conférences à l'Université Lyon II, donne un style alerte à un travail qui, prolongement d'une thèse soutenue en 1997, se lit comme une fresque romanesque.

Les quatre parties équilibrées et logiques s'apparentent à la théorie du cycle de vie d'un produit, appliquée ici au cycle de vie d'une entreprise avec ses quatre phases successives – lancement, croissance, maturité et enfin déclin. Chez Bianchini-Férier, ces phases sont, celles de l'expansion (1888-1914), du temps de la maturité (1914 1929), puis des épreuves (1929-1945) et enfin du redressement au désengagement (1945-1992). Selon l'auteur, la période 1888-1929 est représentative d'un « esprit marketing ». Le souci, l'obsession pourrait-on écrire, de la création fut le fait d'un homme, Charles Bianchini qui, le premier, comprit l'apport des artistes en ouvrant une antenne de création à Paris, dès 1897. L'insertion dans le milieu naissant de la haute couture relève d'une attitude récurrente de Charles Bianchini qui fit le nécessaire pour pénétrer la bonne société parisienne, ne comptant pas son temps entre les dîners, les étés dans les stations balnéaires les plus chics et les champs de course. La proximité avec le milieu artistique participe de la même démarche. Le recrutement du peintre Raoul Dufy qui travailla pour Bianchini-Férier entre 1912 et 1928 est noté comme « un coup de génie ». La crise de 1929 freina net cette complicité avec le monde artistique et créatif. Jamais ses dirigeants n'arrivèrent à retisser un lien fort et nécessaire avec les milieux de la création après la Seconde Guerre mondiale. L'insertion de Bianchini-Férier dans un réseau plus large ne fonctionna plus qu'épisodiquement à partir des années 1950. De façon très éclairante, Pierre [End Page 166] Vernus montre bien l'ébranlement consécutif à la crise de 1929 et le protectionnisme qui la prolongea fut destructeur pour les entreprises des univers du luxe fortement exportatrices. Les exportations diminuèrent de plus des trois quarts sans que les débouchés nationaux puissent compenser ce recul. Paradoxalement, l'industrie de la soie souffrit moins de la Seconde Guerre mondiale.

Le second mérite de l'auteur est de souligner combien l'histoire des entreprises gagne à s'ouvrir à une meilleure compréhension de leur environnement7. Un ouvrage récent8 a montré qu'il n'était pas...

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