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  • La Fibre littéraire: le discours médical sur la lecture au xviiiesiècle
  • Nadine Bérenguier (bio)
Alexandre Wenger. La Fibre littéraire: le discours médical sur la lecture au xviiie siècle. Genève: Librairie Droz, 2007. 358pp. US$56/€42.50. ISBN 978-2-600-01173-0.

Au début de La Fibre littéraire: le discours médical sur la lecture au xviii e siècle, Alexandre Wenger retrace l’histoire d’une jeune fille, Julie, dont le triste destin est scellé part un goût trop prononcé pour la lecture de romans. L’histoire de Julie, trouvée non pas dans un roman, mais dans le traité médical La Nymphomanie ou traité de la fureur utérine (publié en 1771 par J.T.D. de Bienville) sert de point de départ à une analyse des différents liens qui existaient, au xviiie siècle, entre la médecine et la lecture. Dans son introduction, A. Wenger situe le développement du discours médical sur la lecture dans le contexte plus large des discours pédagogiques, libertins et encyclopédiques qui proliférèrent au xviiie siècle. Il s’agit d’une autre manifestation de la tendance fort marquée à l’époque de contrôler et réguler les comportements les plus intimes. L’objectif de La Fibre littéraire est double: il s’agit d’analyser d’une part le processus de médicalisation du discours sur la lecture et d’examiner de l’autre les stratégies narratives mises en œuvre par des médecins désireux d’assurer un impact maximal à des ouvrages qui s’adressaient souvent, non seulement à des professionnels, mais aussi à un public plus large.

Les deux premiers chapitres examinent comment, dans la seconde moitié du xviiie siècle, l’église perdit l’exclusivité des jugements sur les effets de la lecture qui devint un objet médical à part entière. Nombreux étaient les traités médicaux qui, sans y être entièrement consacrés, mentionnaient les effets de cette activité sur lectrices et lecteurs. Le développement de nouvelles théories physiologiques (celles d’Albrecht von Haller, en particulier) et un contexte socioculturel où la production de l’imprimé était en plein essor contribuèrent, selon A. Wenger, à faire des effets physiologiques et psychologiques de la lecture une préoccupation croissante. Les troisième et quatrième chapitres détaillent la manière dont ces théories physiologiques affectèrent la conception de la lecture. A. Wenger y traite du rôle central de l’imagination « qui relève aussi bien de l’esthétique, de la morale et la physiologie » (137) et du tableau en tant que stratégie narrative (aussi bien dans le domaine littéraire que médical). C’est dans le chapitre 4 qu’il se concentre sur la « physiologie de la lectrice », dans la mesure où il perçoit dans la lectrice du xviiie siècle « le point de convergence de toutes les réflexions de l’époque sur la lecture, la cristallisation de toutes les phobies en même temps que toutes les espérances » (143). Le chapitre 5 est consacré aux pathologies de la lecture. Au groupe constitué par les femmes vient se joindre une [End Page 656] catégorie professionnelle pour laquelle lire est une nécessité: les gens de lettres. A. Wenger documente combien ceux qui se préoccupaient de la santé de ce groupe—tel Tissot avec De la santé des gens de lettres (1768)—faisaient de la lecture la cause majeure des maladies qui les atteignaient. Ce chapitre sert de prélude au sixième dans lequel A. Wenger généralise la question en mettant en évidence la menace que les pathologies de la lecture présentaient pour la société dans son ensemble. Il y défend l’idée que le discours médical dénonciateur était partie intégrante du problème. Les derniers chapitres s’intéressent justement aux stratégies narratives que les auteurs de traités médicaux empruntaient au domaine littéraire afin de façonner leur...

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