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  • Edmond Jabès: L’Éclosion des énigmes
  • Marie-Chantal Killeen
Edmond Jabès: L’Éclosion des énigmes. Edited by D. Lançon and C. Mayaux. Saint-Denis, PUV, 2007. 316 pp. Pb €23.00.

Qu’est-ce qu’un ‘écrivain juif’? Comment dire l’exil, le deuil, l’absence? Comment aborder une œuvre complexe sans en aplanir la difficulté? Voilà quelques-unes des ‘énigmes’ qu’entreprend d’examiner cet ouvrage sur Edmond Jabès. Divisé en quatre pans, le volume rassemble dix-neuf contributions présentées en 2003 lors d’un colloque à Cerisy intitulé ‘Jabès, Hors genre’. Que cet écrivain soit encore mal connu en France tient sans doute à la difficulté de classer son œuvre singulière. Aussi ce recueil témoigne-t-il du désir de lutter contre l’isolement relatif de Jabès dans la littérature d’expression française. La première partie s’attache à replacer l’œuvre dans ses divers contextes. Le lecteur est ainsi amené à découvrir l’Égypte plurilingue d’où est issu l’auteur, à explorer les débats critiques qui ont modulé la réception de sa poésie dans les années soixante, et à s’interroger sur les enjeux et les limites d’une écriture après la Shoah. La seconde partie tente de cerner le rapport de Jabès à la judéité; elle [End Page 358] s’intéresse notamment aux recoupements entre l’héritage judaïque du poète et sa réflexion sur le Livre, à l’écriture talmudique et à la matérialité des mots (ou pour parler comme Jabès, des vocables). L’essai de E. Kaplan, par exemple, fait état de l’accueil que cette poésie réserve même aux incroyants, en montrant comment elle s’arrime à des traditions qu’elle ne craint pas aussi de questionner. Se regroupent ensuite des essais sur les formes et les figures de la poétique jabésienne, ‘parole hospitaliè re’ au dire d’E. Lloze, tout entière traversée de textes et de voix venus d’ailleurs. On y explore l’imaginaire de l’errance et de l’indicible ainsi que les métaphores principielles de la nuit et de la main. La quatrième partie se propose d’examiner l’avènement du sujet dans l’écriture. La structure plus relâchée de ce dernier volet permet de juxtaposer des réflexions sur le caractère dialogique de l’œuvre, la thématique du non-lieu et du désert, ou encore le décentrement du moi en tant que mise en abyme du Nom imprononçable de Dieu. (On signalera entre autres l’article de D. Sabbah qui emprunte à Abraham et Torok l’image de la crypte pour se mettre à l’écoute du travail de deuil dans les Livres de Jabès). La diversité des approches et des problématiques fait la force de cet ouvrage collectif, bien qu’un mélange aussi éclectique soit forcément inégal. En lisant ces essais, on a parfois l’impression d’entrer dans une espèce de symbiose stylistique avec le poète: certains lecteurs apprécieront la facture lyrique de ces textes, tandis que d’autres regretteront le manque de recul par rapport à l’écriture de Jabès. Il est beaucoup question de croisements dans ces pages: croisements de traditions, de modes de pensée, de régimes d’écriture. Les analyses les plus stimulantes montrent bien le jeu entre ces points de rencontre qui sont autant de points de résistance ou de fuite chez Jabès. Comme il se doit pour l’auteur qui nous a donné le Livre des questions, ce parcours de l’œuvre se nourrit d’interrogations plutôt que de réponses toutes faites.

Marie-Chantal Killeen
Lady Margaret Hall, Oxford
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