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Reviewed by:
  • En nouvelle barbarie. Essais
  • Catherine Parayre (bio)
Paul Chamberland, En nouvelle barbarie. Essais. Montréal, Typo, [1999] 2006, 231 p., 12,95$

En nouvelle barbarie, les barbares ne sont pas les autres, inconnus ou différents, mais nous-mêmes, dès que nous nous contemplons sans complaisance. Telle est la thèse de Paul Chamberland dans un essai qui commente des événements datant pour la plupart des années 1990 (par exemple, le Sommet de la terre à Rio, la guerre du Golfe en 1991, la guerre en ex-Yougoslavie) et forme une version retravaillée d’articles ayant déjà fait l’objet d’une publication. Qu’il s’agisse de « crampe identitaire », de « fascisme ordinaire », de « violence économique » ou d’« indifférence placide », les lecteurs comprendront vite qu’il est inutile de s’attendre à une seule note optimiste, aussi frêle soit-elle. L’auteur nous voit vivre dans un « im-monde » dont « l’ordre symbolique et [. . .] la norme éthique qui sont à la racine de la subjectivité humaine et de la culture » sont sur le point de disparaître, détruits par le matérialisme et la « rationalité économique / technoscientifique ». La barbarie, selon Chamberland, est généralisée, depuis tout « totalitarisme », y compris le « technototalitarisme », jusqu’à l’emprise des médias ou encore la mondialisation. Le jugement est sans appel : l’atmosphère de fin de siècle que dépeint Chamberland est une atmosphère de fin de monde et, à le lire, le nouveau millénaire ne semble guère plus rassurant. En particulier, rien de ce qui est technologique ne trouve grâce aux yeux de l’auteur. À croire ce dernier, la technologie ne saurait ouvrir de voies de communication satisfaisantes ou promouvoir l’expression créatrice, et ne rend la vie ni vraiment meilleure ni vraiment plus simple. Pire, elle nous soustrait à l’humain. Bien qu’il ne soit pas fait mention du terme, nous entrons dans le règne du posthumain, un posthumain d’ailleurs voué à la catastrophe : « Nous n’existons plus, nous avons disparu de la scène du réel social »; nous sommes devenus des êtres « jetables ». En d’autres termes, il n’existe plus de solidarité, même si « la mort de l’autre [. . .] c’est le danger que court notre civilisation ».

En dépit (ou peut-être en raison) de la sévérité du ton, En nouvelle barbarie invite les lecteurs à une vive réflexion. En effet, ce livre est un défi de lecture. En particulier, il développe en nuances un [End Page 592] discours de culpabilisation. Ainsi les grandes injustices politiques et sociales exposées côtoient-elles les anecdotes du quotidien, par exemple lorsqu’un passager évite du regard une femme âgée chargée de lourds sacs qui monte dans un bus, lorsqu’un air « cool » cache un « mode d’être [. . .] prédateur » ou encore, faisant allusion à l’esthétisation pratiquée dans les sociétés totalitaires, lorsque « ceux qui s’adon-nent au training physique à la vue de tous » ne se rendent pas compte qu’ils contribuent, grâce à l’idéal de force corporelle qu’ils recherchent, à renforcer les préjugés contre « les “perdants”, les pauvres, les paumés ». Sujettes à polémique, ces prises de position dérangent parce qu’elles sont ou peuvent nous être proches. La politique internationale se conjugue dans ces pages à la politique individuelle; l’effet est doublement déstabilisant, les lecteurs se sentant pris à partie à la fois dans leur vécu et dans leurs connaissances du monde. Un tel essai suscitera vraisemblablement une réaction de refus, du moins partiel. On se dira que le monde ne peut pas être aussi mauvais, qu’il existe bel et bien des réussites sensibles et, qu’après tout, la gymnastique et le sport sont bénéfiques à la santé et au bien-être. Le scénario du pire qu’écrit Chamberland fera sans doute imaginer un scénario du meilleur.

Si la lecture promet d’être engagée, chacun d’entre nous étant appelé en sorte à tester son humanité, le texte se révèle, en revanche, dénué de tout encouragement...

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