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Reviewed by:
  • Vie de Prévost (1697–1763)
  • Guillaume Peureux (bio)
Jean Sgard, Vie de Prévost (1697–1763). Québec, Les Presses de l’Université Laval, Les collections de la Ré publique des Lettres, Études, 2006, xiv-296 p.

C’est un des personnages les plus intrigants et fascinants de la vie littéraire de la première moitié du XVIIIe siècle qu’offre ce livre à notre lecture : l’abbé Antoine François Prévost, ou encore, selon le romanesque nom qu’il s’est lui-même choisi, l’abbé d’Exiles, auteur prolixe et en particulier de ce Manon Lescaut dont le statut de classique scolaire fait mal-heureusement trop souvent oublier la dimension tout autant métaphysique que sulfureuse. Spécialiste du monde de la presse des [End Page 558] Lumières, responsable de plusieurs importantes éditions de diverses œuvres de l’abbé Prévost, Jean Sgard met ici son érudition et sa parfaite connaissance du XVIIIe siècle français au service d’une approche qui se veut renouvelée de la vie et de l’œuvre de cet auteur. L’introduction en précise le principe, en forme de gageure : prenant acte de la quantité relativement faible qui nous reste d’archives pouvant nous renseigner avec certitude sur les faits et gestes de Prévost, Sgard entreprend de traquer ceux-ci dans la confrontation de ces archives et des multiples récits de vie, attaques, anecdotes ou apologies qui fleurissent autour de lui. C’est du modèle ancien de l’écriture de « vie d’écrivain » que se réclame ainsi Jean Sgard, revendiquant par là son attention aux petits faits, aux détails, aux scènes et anecdotes justement. Il ne s’agit plus cependant de les enchaîner simplement les uns aux autres comme dans les vies d’autrefois, mais de retrouver à travers eux toute la texture et la complex-ité d’une figure d’auteur singulière, dépoussiérée du voile de la légende, noire, le plus souvent, qui l’a longtemps obscurci. Au delà de l’enquête biographique, en outre, le projet est d’éclairer d’un jour nouveau une œuvre foisonnante qui semble sous certains aspects toute entière vouée à alimenter cette légende ou du moins à en jouer, où le « je » est omnipré-sent et où la mise en scène de la référence et de l’allusion est érigée en principe d’invention et d’écriture.

La vie de Prévost est ainsi organisée en treize assez brefs chapitres qui en retracent chronologiquement les principales étapes. On découvre tout d’abord un Prévost au cœur d’une famille modeste, mais en pleine ascension sociale via l’office et la carrière administrative, mais surtout dans l’influence puissante de l’Église, à travers la grande abbaye béné-dictine de Dommartin dans l’Artois, à proximité de laquelle les pro-priétés familiales sont toutes situées. Traditionnellement, la famille donne au moins un fils à l’Église et Antoine Prévost n’y échappe pas puisqu’au sortir de ses études chez les jésuites, il prononce les vœux qui le consacrent à l’ordre bénédictin. En ce début de siècle des Lumières toutefois, alors que s’énonce de plus en plus nettement la critique contre la vie régulière et la religion en général, la démarche va de moins en moins de soi. La personnalité de Prévost compte aussi, telle que la dépeint Sgard : sa propension aux passions sensuelles, mais surtout son attachement à l’écriture romanesque et satirique, puisque ces années sont celles de la composition de ses premières œuvres et notamment des premiers volumes des Mémoires d’un homme de qualité. Ces talents pour la (pseudo) confession personnelle et la critique sociale sont peu pour plaire à un ordre connu pour son attachement au travail érudit. Très rapidement, les relations de Prévost avec son ordre se dégradent, l’amenant à s’exiler en Angleterre où il apostasie même le catholicisme au profit de la religion...

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