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  • Théâtre
  • Mariel O’Neill-Karch (bio)

Une des questions cruciales du théâtre moderne concerne la dialectique entre le « texte », quelle que soit sa forme, et la scène sur laquelle il sera joué. Dans le cas des textes publiés, cette scène ou concrétisation se situe dans l’esprit de celui ou celle qui lit. Comme certains des auteurs des pièces de notre corpus, tel Wajdi Mouawad, sont avares de [End Page 540] didascalies, cette concrétisation peut être assez libre. D’autres, comme Marie-Claire Blais, tentent de contrôler la création d’images issues de la lecture des répliques en produisant des indications scéniques fréquentes et détaillées. Il y en a pour tous les goûts.

L’arche

Kiwi de Daniel Danis est une fable qui met en scène de jeunes abandonnés qui se sont créé un monde bien à eux où chacun se donne une nouvelle identité en troquant son nom contre celui d’un fruit ou d’un légume. Papaye et Mangue sont, en quelque sorte, le père et la mère du groupe qui habite un ancien abri anti-bombe et qui réussit non seulement à survivre mais à mettre de l’argent de côté en pratiquant le vol à l’étalage et la prostitution. Cette vie idyllique est bousculée par un nettoyage brutal et meurtrier, effectué par les forces de l’ordre, juste avant le début des Jeux Olympiques. Comme dans ses autres œuvres, Danis mêle poésie et narration pour aboutir à un monde où Kiwi peut rêver : « [. . .] moi, je deviendrais la feuille d’un ancien été, je voguerais sur ces petits] flots qui m’amèneraient à travers bois jusqu’à un supermarché sans porte, je naviguerais dans les allées, tout serait gratuit, j’accosterais aux portes des congélateurs, je redeviendrais moi-même et je mangerais, pour la première fois de ma vie, un sorbet à l’orange. »

Ce même auteur a été inspiré par un canevas du père dominicain Marie-François Berrouard pour créer une pièce pour enfants, Sous un ciel de chamaille. Lirane, petite Israélienne de huit ans vivant confortablement en terre colonisée, et Ferhat, jeune Palestinien de onze ans vivant misérablement dans un camp de réfugiés palestinien, se rencontrent à la frontière de leurs deux solitudes, où un Oiseau Vertical vient de trouver un œuf dont aucune oiselle ne semble vouloir s’occuper. Tout en cherchant à protéger l’œuf, l’Oiseau survole le territoire : « Haut, haut, je vole au-dessus d’une terre en chamaille entre deux nations. Très haut, on peut voir à quels endroits poussent les beaux jardins colorés, et où la terre devient triste, grise, rocailleuse et sans végétation. Les terres des deux nations sont si proches l’une de l’autre. Pourquoi n’y a-t-il pas des jardins partout ? » Lirane et Ferhat, tout en se chamaillant, essaient à leur façon de répondre à cette question. La mère de Lirane l’a surnommée Petite Joie et celle de Ferhat, Joie Puissante. L’auteur montre ainsi que ces mères, issues de différentes traditions, partagent une parenté profonde. Leur mort, lors de graves inondations, fait qu’elles se retrouvent, boursouflées et enlacées : « Ferhat et Lirane reconnaissent leur mère. Ils s’avancent sur le bord de la rive, les yeux ronds et étonnés. Ils ne disent rien et, avec une longue branche, ramènent les deux mamans sur la terre ferme. » Ce drame de séparation et de réconciliation se termine avec l’espoir d’une [End Page 541] vie meilleure vers laquelle la tortue, sortie de l’œuf, les guidera lentement mais sûrement.

Boréal

En 1968, Marie-Claire Blais a publié L’exécution, sa première pièce de théâtre dont le point culminant est la mort d’un jeune collégien. Ce même topos revient dans Noces à midi au-dessus de l’abîme, mais le contexte est tout à fait différent. Plusieurs couples, homme femme, femme femme, homme homme...

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