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  • Roman
  • Pierre Karch (bio)

De plus en plus de professeurs au Québec semblent avoir le temps, l’énergie et la volonté d’écrire des œuvres de fiction. Ce phénomène modifie sensiblement la littérature d’ici qui devient le plus souvent un regard jeté sur l’extérieur, sur les pays exotiques qui font les manchettes. Je pense en particulier à India, India et Sweet, Sweet China dont les titres anglais marquent une distance prononcée avec l’idéal politique des années 1960 et 1970. Mais il y a aussi plusieurs romans dont l’intrigue se passe en Amérique du Sud (Un café dans le Sud, Bayou mystère), en Afrique (Alexandre et les trafiquants du désert) ou en Europe (Depuis toujours, j’entendais la mer). L’évasion prend une nouvelle forme. Dans l’ensemble, les aspirations personnelles l’emportent sur un projet collectif.

Alto

Tarquimpol de Serge Lamothe me rappelle certains cours de philosophie, obligatoires à l’époque, où l’on découvrait le plaisir de jouer avec les mots : « [. . .] le mot te donne l’être, mais il te le donne privé d’être. Blanchot en déduit qu’un écrivain comme Kafka n’écrit pas parce qu’il a le pouvoir de nommer les choses, mais parce qu’il n’a pas le pouvoir de ne pas les nommer : parce qu’il cherche, malgré lui, à épuiser la représentation du monde, comme si cela pouvait le libérer du langage et le ramener à l’essentiel. À l’être ». Le narrateur, qui ne se dissocie pas tout à fait de l’auteur qui a fait paraître, par exemple, chez le même éditeur, Le procès de Kafka (2005), se [End Page 468] trouve dans le nord de la Lorraine, d’où le titre de ce roman. Il enquête sur Kafka qui y aurait passé l’été de 1911, alors qu’il n’était qu’adolescent. Mais l’enquête laisse beaucoup de place et de temps à l’amour, le narrateur aimant quelques femmes d’un même amour, ce qui fait de lui un « polyamoureux ». Le récit se termine dans le mystère, alors que le narrateur semble répondre à Éluard qui avait écrit que « le tout est de tout dire » : « Peut-être que ça ne sert à rien de vouloir tout dire. Peut-être que tout ne sera dit que lorsque vous aurez tout oublié. Vous n’aurez rien à ajouter ».

Boréal

Les rives prochaines, vingt-huitième livre de Gilles Archambault, commence par une séparation : « Le jour où j’ai décidé de signifier son congé à Sébastien je n’ai pas lésiné. Pourquoi me serais-je gênée? J’avais joué cartes sur table dès le début. Tu t’installes, tu prends tes aises, tu ne payes rien, mais qu’il soit bien entendu que c’est chez moi que tu vis ». Début prometteur que ne dément pas la suite. Roman pour adulte, ceux de la génération de l’auteur qui ont tout connu, tout vécu, mais qui sont, encore une fois, prêts à recommencer malgré tout. Recommencer quoi? « Un peu de baise, beaucoup de tendresse. Le meilleur de l’amour ». Voilà ce qui fait l’actualité de ce roman écrit dans un style tellement naturel qu’on entend les voix derrière chaque parole.

Les amateurs de polars aimeront le début de Zone grise, deuxième roman du genre de Chrystine Brouillet, mettant en scène le détective déjà célèbre, Frédéric Fontaine : « L’homme s’éloigna de sa victime après avoir glissé un message dans son soutien-gorge [. . .]. Elle lirait les quelques mots, verrait les croix gammées, n’y comprendrait rien [. . .]. Les enquêteurs s’interrogeraient en apercevant tous ces souliers, usés ou neufs, déposés à côté de la victime. Mylène jurerait qu’elle ne savait pas pourquoi on l’avait kidnappée ». Une page plus loin, on passe à une autre intrigue : « Frédéric Fontaine regardait la foule qui s’était rassemblée pour assister aux obsèques des trois gardiens qui avaient été tu...

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