In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • Last Best Things. Altruism and the Market for Human Blood and Organs
  • Sophie Chauveau
Kieran Healy. –Last Best Things. Altruism and the Market for Human Blood and Organs. Chicago, The University of Chicago Press, 2006, 200 pages.

En dépit de son titre, l’ouvrage du sociologue K. Healy n’est nullement une contribution supplémentaire aux controverses sur le don bénévole et le don rémunéré en matière de sang ou d’organes. L’auteur se place au-delà de ces débats en proposant une analyse des organisations de transfusion et de collecte d’organes, pour l’essentiel aux États-Unis, qui permette de comprendre comment se construisent les valeurs et l’éthique propres au don et à la collecte de sang et d’organes humains.

L’étude des organisations de collecte de produits humains est d’autant plus nécessaire que le sang et les organes font l’objet d’une commodification : prélevés sur des individus, ils sont transformés en biens négociables et ceux-ci donnent lieu à des transactions. Dès lors il est nécessaire de réfléchir à la relation entre ceux qui donnent ou vendent ces biens humains et ceux qui les reçoivent ou les achètent. La relation est médiatisée par les organismes de collecte. Ces organisations ont ainsi pu mettre en place des dispositifs incitant à donner son sang ou un organe, en particulier en adoptant des discours rationalisant le geste du don et offrant ainsi aux individus une manière de penser leur comportement altruiste. L’idée défendue par K. Healy est qu’il n’existe pas d’altruisme pur et dur : il rejoint ainsi, et il le cite d’ailleurs, le propos de P. Bourdieu qui évoquait déjà le calcul inavoué qui caractérise le don. Le geste du donneur ne peut être ainsi dissocié du contexte dans lequel il s’effectue : c’est pour cela que le cadre institutionnel du don de sang et d’organes doit être étudié. Les organismes de collecte construisent en quelque sorte une relation de don qui coexiste avec les logiques du marché.

Dans un premier temps K. Healy explique comment le don d’organe est devenu un geste acceptable : le corps est en effet endommagé. Il montre que cette acceptation ressemble beaucoup à ce qui a déjà été analysé à propos de l’assurance-vie, qui oblige à penser la mort et la mémoire des disparus. Le don d’organe se construit sur un modèle similaire qui est celui de la consolation, en donnant un autre sens à la disparition d’un être cher. Face à la pénurie d’organes provoquée par l’accroissement de la demande, des dispositifs incitatifs ont été mis en place : ceux-ci ne sont pas conçus comme des rémunérations par leurs promoteurs. Le développement de la chirurgie de transplantation oblige en effet les organismes de collecte à trouver des moyens pour accroître le nombre des organes prélevés. Ces structures sont conduites à « industrialiser » l’altruisme en faisant de la collecte un problème de ressources. Le succès des greffes, grâce à la diffusion des immunosuppresseurs, a rendu nécessaire une adaptation du mode de collecte aux États-Unis : les organisations ne sont plus dépendantes d’un hôpital ou d’un chirurgien qui se réserve en quelque sorte la propriété des organes prélevés ; elles sont intégrées dans des réseaux à l’échelle régionale, regroupant plusieurs États, depuis le milieu des années 1980.

Dans le cas de la collecte de sang, la situation est un peu différente. Le sang n’est pas ce que donnent des individus, mais un produit obtenu par des institutions très différentes : la Croix-Rouge, les Blood Banks ou des centres de bénévoles aux États- Unis, auxquels s’ajoutent les centres de prélèvement des firmes préparant les dérivés du plasma. Les réseaux familiaux et amicaux jouent un rôle important : plus on est entouré de donneurs de sang, plus on est amené à donner soi-m...

pdf

Share