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No Man's Land: Genres en question dans Sitcom, Romance et Baise-moi Stéphane Spoiden —C'est pas de la politique, c'est du cul. —Non, c'est pas du cul, c'est de la politique. Jean-Luc Godard, Numéro deux' EN DÉPIT DE son apparente ouverture d'esprit pour les choses touchant à la sexualité, le cinéma français, à l'instar de la culture française en général, a rarement adopté une position radicale en matière de sexe et de genre. Le sexe au cinéma n'a bien souvent été qu'un support à l'humour dans le prolongement du théâtre de boulevard ou qu'un décor supposément agréable à une intrigue psychologique quelconque. Jusqu'il y a quelques années, la présence du sexe dans le cinéma français, bien que plus explicite ou osée que dans le cinéma hollywoodien par exemple, s'accompagnait peu—et souvent discrètement—d'un véritable discours interrogateur sur la sexualité et le dispositif de domination hétéromasculine2. Ce réflexe bien ancré fut récemment bousculé par la sortie de trois films qui ont défrayé la chronique en France. Je fais bien entendu allusion au film Baise-moi de Virginie Despentes et Coralie Trinh Thi (2000), mais également au non moins controversé Romance de Catherine Breillat (1999), ainsi qu'à Sitcom de François Ozon (1998). Trois films que j'envisage comme emblématiques d'une avant-garde qui propose un changement radical d'optique sur la question du gender et qui en même temps remettent en question les présupposés petit-bourgeois des bienséances cinématiques en matière de représentation de genre, de désir et de sexe. Et ceci expliquerait en grande partie le débat critique, parfois encenseur mais le plus souvent très hostile, qu'ont suscité ces trois films dans la presse française. Qu'y a-t-il de particulier à ces trois films pour qu'ils se soient tant attirés la suspicion sinon les foudres d'une grande partie de la critique, le plus souvent masculine mais pas exclusivement? Ces trois films expriment, aussi bien dans le fond que par la forme, la mise en interrogation la plus radicale qui soit des principes sociaux normatifs qui règlent les questions de sexe et les définitions de genres, ainsi que de leurs rapports. Ces trois films tout d'abord opèrent un renversement du regard (massivement hétéro-masculin) de la caméra sur la sexualité en général. Ensuite, Romance et Baise-moi redéfinis96 Spring 2002 Spoiden sent tous deux les rapports sociaux en matière de sexe en privilégiant un point de vue de femmes (hétéro ou non défini), notamment en matière de désir et de fantasme, tandis que Sitcom s'applique à représenter les sexualités dans leur pluralité. Pour Breillat, Despentes et Trinh Thi, il s'agit d'une opération contre la notion de sexualité féminine taboue et non-présentable et de dépassement de la honte associée au désir féminin par des codes patriarcaux et phallocratiques. Tandis que pour Ozon, il serait plutôt question d'une déstabilisation des ancrages sexuels traditionnels et des tabous ancestraux comme l'inceste. L'ensemble se traduisant en creux par une critique acerbe de l'hétérosexualité masculine, où viennent s'inscrire l'affirmation de cultures sexuelles alternatives et la concomitante redéfinition des identités sexuelles. En matière de fond, Sitcom offre à mon sens un synopsis de ce que je voudrais développer dans cet essai. Le film, qui s'ouvre comme une pièce (avec lever de rideau et les trois coups), présente une fable d'inspiration freudienne qui met remarquablement en scène ce que j'appellerais volontiers la comédie sexuelle contemporaine classique. Au sein d'une famille bourgeoise, le père, qui représente l'hétérosexualité masculine normative, ne se définit que par proverbes et lieux communs dans une tranquillité inébranlable—dans sa domination—tandis...

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