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Les «Meufs rebeus» ou la représentation des femmes maghrébines dans le cinéma français hip-hop Dominique Bluher AU MILIEU DES ANNÉES QUATRE-VINGT-DIX, on a vu appara ître un certain nombre de films que l'on a pris l'habitude de répertorier sous l'appellation de «films de banlieue» et dont La Haine (Mathieu Kassovitz, 1995) est certainement le représentant le plus connu. Parmi ceux-ci, cependant, trois films se distinguent à mes yeux: Hexagone de Malik Chibane (1993-94), Souviens-toi de moi de Zaïda Ghorab-Volta (199596 ) et État des lieux (1994-95) de Jean-François Richet. Ces films ont d'abord et tout simplement en commun d'avoir été produits en dehors ou «à côté» du système de production même indépendant, et d'avoir vu le jour uniquement grâce à la détermination et l'obstination de leurs jeunes réalisateurs qui les ont écrits, réalisés, produits, et parfois même y ont joué le rôle principal. Au-delà de certaines faiblesses et maladresses dues aussi bien au manque de moyens et à des difficultés de telles productions «no-budget» qu'à l'inexpérience des cinéastes, ces films frappent par le besoin qu'ont ces «jeunes des cités» de s'exprimer, et par le fait qu'ils ne proposent guère une autre image des banlieues mais une attitude face aux situations décrites bien différente de celle adoptée notamment dans La Haine. Hexagone et Souviens-toi de moi se distinguent de plus d'autres films beurs ou de banlieue, d'une part par l'importance accordée aux femmes et la manière de les représenter, et d'autre part par l'affirmation de l'identité multiculturelle et pluri-ethnique. Et c'est dans cette perspective que ces films peuvent être rapprochés du mouvement hip-hop, des attitudes et des valeurs qu'il prône. Que doit-on entendre par «hip-hop?»—Supposons que vous êtes aussi ignorants que moi-même avant que j'aie pu découvrir grâce au documentaire de Jean-Pierre Thorn Faire kifer les anges (1996) sur et avec des breakdanseurs français, et grâce au livre La Culture hip-hop du sociologue Hugues Bazin—premier travail de synthèse en langue française sur ce mouvement— que le hip-hop est un véritable mouvement culturel avec une vision du monde et une éthique '. Sans vouloir entrer dans les détails, rappelons simplement que le hip-hop regroupe un certain nombre d'expressions artistiques: musicales (comme le rap, le Djing ou le humain beat-box), corporelles (parmi les plus 84 Spring 2002 Bluher connues: la break-dance et le smurf), et graphiques (le tag et le graff). Ces arts de la rue se sont développés dans les banlieues et sont accompagnés par toute une culture urbaine: mode de vie, langage argotique, mode vestimentaire2. Le mouvement naît dans les ghettos américains dans le courant des années soixante-dix, où il est lié aux revendications des minorités noires contre la ségrégation raciale. Il arrive entre 1982 et 1984 en France, où il est d'abord imité mais où il acquiert rapidement une expression propre aux banlieues françaises. La légende veut que la naissance du hip-hop ou plus précisément de la Zulu Nation (qui constitue avec les B. boys l'un des deux versants essentiels du hip-hop), est due à la réaction d'Afrika Bambaataa à la mort d'un de ses meilleurs amis lors d'une lutte entre groupes rivaux dans le Bronx. Afrika Bambaataa quitte le gang et se lance dans la musique où il est rapidement reconnu pour son originalité de DJ. et de mixeur rap. Fort de cette expérience, il cherche à la généraliser comme alternative pacifique, basée sur la créativit é, et opposée à la violence qui règne dans les ghettos, et crée la Zulu Nation. La Zulu Nation est portée par une éthique formulée dans une charte d'une vingtaine de règles...

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