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L'Image des petites filles dans la littérature de jeunesse: quel projet éducatif pour notre société?1 Hélène Montardre DEPUIS QUELQUE TEMPS, les catalogues des éditeurs de littérature jeunesse proposent, dans la catégorie fiction, un «genre» qui n'apparaissait pas il y a quelques années. À côté du traditionnel découpage «Aventure», «Policier», «Fantastique», «Historique», etc., est venue se placer une nouvelle entrée. En général clairement identifiée par sa couleur rose, elle s'intitule «Les romans de Julie» (Milan), «Les filles» (Pocket jeunesse), «Drôles de filles» (Magnard), ou encore «La coUec' des filles» (Lito). Qu'est-ce qui rend cette entrée si radicalement différente des autres? C'est très simple: les livres qui sont déclinés sous ce label ne sont distingués ni par leur contenu ni par le genre littéraire auxquels ils appartiennent. Ils sont désignés par le public auquel ils s'adressent. Et ce public est clairement défini, que ce soit par le choix des couleurs, le nom des collections, les titres des livres, les maquettes de couverture, le style d'illustration: il s'agit d'un public de filles, et exclusivement de filles. D'ailleurs, si un doute pouvait subsister à ce sujet, il est rapidement levé par les slogans proposés: «Les filles: la collection interdite aux garçons» (Pocket jeunesse); «Les romans de Julie: vive les filles!» (Milan); «Le monde délirant d'Ally: une fille extra!» (Milan); «Drôles de filles: des romans pour toutes les filles» (Magnard); «Le club des baby-sitters: enfin des livres interdits aux garçons» (Gallimard jeunesse). De quoi parlent ces livres? «Quotidien, famille, sentiment et adolescence. A partir de 11 ans» annonce le catalogue Les Romans Magnard jeunesse printemps-été 2003 à propos de la collection «Drôles de filles». «Explosives, romantiques, déboussolés, sensibles...» précise-t-il dans le supplément Saison 2003-2004. «Avec les Romans de Julie, c'est rêve, rire et émotion à chaque page. Des personnages qui ressemblent aux lectrices, des récits qui correspondent à leurs envies et à leurs attentes», explique le catalogue Milan Poche 2005. «Qu'y a-t-il de plus beau que l'amour?» interroge le catalogue Pocket jeunesse 2003 en introduction de la collection «Toi + moi = cœur». «Il est un âge, vers douze ou treize ans, où l'on se prend à rêver d'histoires d'amour. Finis les contes de fées; on veut du vrai, ou plutôt un semblant de vrai. Des romans où les héroïnes ressemblent à s'y méprendre aux jeunes lectrices et finissent toujours par rencontrer d'inaccessibles princes» commente 60 Winter 2005 Hélène Montardre le catalogue Bayard jeunesse 2003-2004 sur la page de présentation de la collection «Cœur Grenadine». «Premiers émois amoureux, disputes entre copines, doutes et peines, "La collée' des filles" aborde toutes les préoccupations des adolescentes dans des comédies sentimentales légères et drôles réservées aux filles!!!» déclare le catalogue Lito 2005. Quel type de personnages ces livres mettent-ils en scène? Des filles, naturellement. Préadolescentes ou adolescentes, elles ont des centres d'intérêt similaires: leur physique d'abord. Sont-elles jolies? Sont-elles conformes à l'image de la féminité véhiculée par la société dans laquelle elles vivent? Les garçons ensuite, aux yeux desquels elles ont toujours le sentiment de ne pas exister. Les autres filles, aussi, qui se répartissent en deux catégories: la meilleure amie à qui l'on peut tout raconter et la rivale, plus belle, plus audacieuse, qui détourne sur elle l'attention des garçons, la première pouvant naturellement endosser au cours de l'histoire le costume de la seconde. L'amour enfin, qui finit par triompher et qui vient remplir l'existence tout entière de ces très jeunes filles. Les termes utilisés par les éditeurs dans la présentation de ces collections ou de ces séries ne sont pas anodins. «Quotidien» «famille» renvoient sans équivoque à la sphère intérieure de la...

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